DE TOMMY LEE JONES. AVEC HILARY SWANK, JOHN LITHGOW, HAILEE STEINFELD. 2 H 02. SORTIE: 04/06.

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Après avoir promené trois décennies durant sa silhouette massive dans les productions les plus diverses, de JFK à la franchise Men in Black ou du Fugitif à Rules of Engagement, Tommy Lee Jones se composait, en 2005, un profil avenant de réalisateur, signant, avec Trois enterrements, mieux qu’un caprice de star, une franche réussite. Venant neuf ans après celui-là, The Homesman souligne la singularité de son regard, tout en confirmant son attachement à l’un des genres fondateurs du cinéma américain, le western.

Inspirée du roman éponyme de Glendon Swarthout (dont le titre, un néologisme, pourrait être traduit par « Le rapatrieur »), l’histoire nous emmène dans une petite communauté du Nebraska, en 1854. C’est là que vit Mary Bee Cuddy (Hilary Swank), une pionnière à l’existence austère et solitaire, le travail au champ ne lui laissant pratiquement pour seul loisir que son piano en tissu qu’elle déroule pour chanter. Une routine bientôt malmenée lorsque la dureté des conditions de (sur)vie dans l’Ouest ôte leur raison à trois femmes, le sort désignant Mary Bee pour les conduire en chariot vers l’Iowa, où elles pourront être prises en charge. Le périple à travers les vastes étendues de la Frontière a à peine commencé, que le convoi avise un individu en fâcheuse posture, George Briggs (Tommy Lee Jones), vagabond à la morale élastique, dont le concours ne sera cependant pas de trop face aux dangers qui les attendent…

Paysages tourmentés

Western existentiel, The Homesman s’inscrit limpidement dans la lignée de Trois enterrements. Comme dans celui-là, Tommy Lee Jones emprunte la route du retour, s’aventurant à rebours de la conquête de l’Ouest pour un voyage aux répercussions multiples. Chemin faisant, le film trouve toutefois une articulation inédite, adoptant un point de vue largement féminin. Et cela, qu’il s’agisse d’y brosser la condition des femmes dans cet environnement hostile -on songe, fugacement, à Meek’s Cutoff de Kelly Reichardt-, ou de tracer le portrait d’une héroïne atypique, ce personnage à l’indépendance généreuse que campe avec aplomb Hilary Swank (ce qui n’empêche pas, pour autant, l’auteur de se réserver un beau rôle, sans qu’il y ait là, il est vrai, de contradiction, les Meryl Streep, Hailee Steinfeld ou autre James Spader en étant réduits, pour leur part, à jouer, fort bien, les utilités).

S’écartant ainsi des pistes trop convenues du western, tout en veillant à lester ses protagonistes d’une substantielle et tragique densité, The Homesman n’en reste pas moins classique dans sa forme. Tommy Lee Jones y témoigne d’un souci constant du détail assorti d’un sens aiguisé de l’espace, pour inscrire l’action dans un horizon fantômatique et écrasant à la fois, sublimé par la photographie de Rodrigo Prieto (Brokeback Mountain, Biutiful). Soit l’écho sensible de paysages humains tourmentés, et un cadre compensant la dimension quelque peu abrupte et linéaire de l’histoire…

Jean-François Pluijgers

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