Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DE WONG KAR-WAI. AVEC TONY LEUNG, ZHANG ZIYI, SONG HYE-KYO. 1 H 55. SORTIE: 17/04.

Tout commence sous la pluie. Dans une rue, de nuit et sous une drache qu’aucun Belge ne saurait renier. Un groupe d’hommes, nombreux, fait face à un seul. Et l’affrontement commence, impressionnant tant se déchaînent tous les gestes d’un kung-fu sublimé par les éléments, l’eau tombant du ciel, la terre devenue boue, l’air que fendent pieds et poings. Evoluant avec autant de grâce que de puissance et de précision, le combattant solitaire se fait un allié du sol devenu meuble, glissant d’un adversaire à l’autre et parant les attaques avant de déclencher les siennes, dont nul ne se relève. La caméra, en reculant, dévoile la présence d’observateurs, fascinés sans doute comme nous le sommes devant l’étonnant spectacle… Ainsi commence The Grandmaster, par une séquence destinée à entrer au panthéon des plus grandes scènes d’arts martiaux jamais tournées. De l’action, et quelle action! Mais aussi une forme de poésie en mouvement, de trait corporel réinventant l’espace au gré d’une confrontation sous-tendue par une philosophie dont nous seront bientôt révélés certains arcanes.

Corps et âmes

On se doutait bien qu’un cinéaste comme Wong Kar-wai n’allait pas s’embarquer dans l’univers du kung-fu (le wing chun dans la terminologie locale) pour réaliser une simple illustration du genre. Le réalisateur de Fallen Angels, Chungking Express et In The Mood For Love a trop de style et de personnalité pour ne pas faire oeuvre singulière, profonde, marquante, au coeur d’un univers culturel qu’il aborde avec autant d’intelligence que de sensibilité. Racontant la vie d’Ip Man, figure marquante des arts martiaux et connu hors de Chine pour avoir été le mentor de Bruce Lee, il nous apprend énormément de choses sur les différentes écoles et leurs rivalités tant régionales que techniques et morales. Mais Wong poursuit également, sur les pas d’un Tony Leung une fois de plus impeccable, sa fascinante et poignante méditation sur le temps qui passe, les élans du coeur et de l’âme. En donnant aux femmes la place qui leur revient, quitte à enrichir le réel de fantasmes admirablement inscrits dans la mise en scène. Une des séquences de combat devient ainsi ballet amoureux, pour le plus grand bonheur du spectateur captivé, ému. Bien plus que l’action -trépidante et admirablement chorégraphiée- c’est bien l’émotion que vise The Grandmaster. Et bien avant que ne s’égrènent les premières notes de la mélodie nostalgique composée par Ennio Morricone pour Once Upon a Time in America, l’émotion et la mélancolie propres au chef-d’oeuvre de Sergio Leone infiltrent subtilement le grand film de Wong…

LOUIS DANVERS

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