Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Concocté aux Etats-Unis, Le premier clair de l’aube donne des couleurs américaines au vague à l’âme du Français d’origine sénégalo-antillaise. Belle occasion de parler d’identité nationale.

On le rencontre dans un snack de gare aussi chaud qu’un frigo. Pas froid le Tété?  » Je suis né au Sénégal mais je n’y suis resté que 2 ans, ensuite j’ai vécu toute ma vie en France, donc le froid, je connais. » Grand, fumeur et sympathique, emmitouflé dans une parka polaire, son nom signifie « le guide » en wolof, la belle langue africaine dans laquelle il ne chante pas. D’emblée, s’installe l’impression que voilà un trentenaire confortable dans son « moi voyageur ».  » Ma mère est martiniquaise, mon père est sénégalais, élevé par une maman antillaise dont la mère était anglophone, c’est une grande tradition dans ma famille de beaucoup voyager… J’ai grandi à St-Dizier, dans le nord-est de la France où, oui, j’ai été confronté aux préjugés raciaux. Mais quand on a la vie que j’aie, on intègre que l’autre n’est pas forcément comme soi, qu’il peut avoir plus de difficultés à intégrer l’idée de l’altérité. » Porté par son désir d’Amérique, amoureux de la culture populaire US, Tété s’embarque en 2008 dans une road-série TV, Tété ou Dédé, pour France 5. Menée avec le pianiste André Manoukian, il y rencontre des musiciens, les interviewe et dialogue en musique. « En tant que chanteur, mon quotidien tourne autour de mon nombril et j’ai aimé l’idée d’aller à la rencontre de personnes, de les inviter à parler de leur passion, de faire office de passeur. Cela faisait écho aux journaux de bord que je tournais sur la route, à New York, San Francisco, Miami et La Nouvelle-Orléans. Cette dernière ville et ces voyages-là ont fait le lit de cet album qui pourrait être une collection de lettres adressées aux gens croisés.  » Tété se découvre ethnomusicologue, débusque plein de sous-genres américains qu’il ne connaissait pas, se baigne dans des communautés et territoires nouveaux et finit par enregistrer le dernier album, en grande partie, en Oregon.

Pays imaginaire

 » Il y a un côté voyages initiatiques aux USA, en Australie, au Japon, une façon de confronter ses rêves d’enfant. C’est magique d’aller dans ces pays et de jouer mes chansons devant des gens qui ont une toute autre culture. C’est aussi une leçon d’humilité. On est très gâtés en France comme musiciens, il y a l’intermittence, etc. Ailleurs, non. » Interrogé sur sa négritude, Tété répond que cela ne l’intéresse pas, que la question est  » limite malsaine » mais quand il cible l’origine de la mélancolie de ses chansons, il pointe  » une histoire qu’on n’a pas forcément connue -ma famille ayant surtout vécu en France- et donc, un pays imaginaire dont on peut avoir le mal. Je pense finalement que la question de l’identité est là pour rassurer les gens« . Tété songe alors au Japon, où il se rend régulièrement en promo et en concert, et l’idée même que les Japonais ont de la France, celle d’une carte postale des années 60:  » Une France qui n’existe plus, bien sûr, et par la magie du malentendu, je me suis retrouvé là-bas, pouvant leur présenter tout mon travail de mélange. » Tété a les dents de la chance -les incisives sympathiquement écartées- et confirme ainsi que le ramage correspond parfois bel et bien au plumage. Chez les orthodontistes comme chez les chanteurs.

u CD Le premier clair de l’aube chez Sony Music, en concert le 14 mai aux Nuits Botanique, www.botanique.be

Philippe Cornet

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