Tessa Dixson : « Mon but est de créer des chansons dignes de l’imagination de l’auditeur »

"Mon but est de créer des chansons dignes de l'imagination de l'auditeur." © Victor Pattyn

À 23 ans, la Bruxelloise Tessa Dixson a un nom taillé pour l’international, et la pop indé qui va avec. Sorti la veille de la mise en quarantaine, son album Genesis est rempli de belles promesses. Présentation.

Plusieurs fois pendant la conversation, Tessa Dixson s’excuse. « Désolée, je me perds dans mes mots. Je m’emballe, je bifurque… » C’est peut-être les conditions de l’interview – par téléphone plutôt qu’en face-à-face. Ou alors c’est juste le moment: ses hésitations comme un écho à la confusion ambiante. Comment réagir quand on a 23 ans, que l’on est censée vivre sa  » meilleure vie », et qu’au lieu de ça, on se retrouve ramenée à la case départ, dans sa chambre d’ado, chez ses parents? Comment se prendre la pandémie en pleine tronche, vivre avec elle, accepter ce qu’elle vous prend de journées entre potes, de virées aventureuses, de fêtes déchaînées? Ou encore, dans le cas plus précis de Tessa Dixson, passer de l’euphorie qui accompagne la concrétisation d’un rêve -sortir un premier album- à la déception de ne pas pouvoir correctement le défendre?

Sound & vision

Genesis est paru le vendredi 13 mars – celui des derniers bars ouverts. Tessa Dixson n’a toutefois pas attendu le Covid-19 pour trouver le chemin des ondes radio ou des playlists Spotify. Que cela soit via un premier EP, des featurings avec notamment Roméo Elvis, ou encore en tant que gagnante de De Nieuwe Lichting, le concours organisé par Studio Brussel. « Depuis que j’ai trois ans, j’ai toujours voulu monter sur scène. »… Elle n’a pas honte d’évoquer ses passions pop de teenager. Lorie, Priscilla, côté francophone. Justin Bieber, Rihanna ou Shakira, côté ricain. « Britney Spears aussi. Même si ma mère m’interdisait de l’écouter parce qu’elle votait pour Bush » (rires).

Les parents de Tessa Dixson -sa mère est belge, le père anglais- se sont rencontrés aux États-Unis. Ils y retournent encore souvent. « Pendant longtemps, mon coeur a balancé entre les deux continents. Jusqu’à mes seize ans, je pensais même partir faire ma vie là-bas. Mais en grandissant, je me suis rendu compte à quel point j’étais européenne. Ici, vous marchez dans la rue, les bâtiments ont une histoire. Aux États-Unis, il me manque la culture, tout est faux, ou nouveau. Même les conversations restent souvent superficielles. »

Gamine, elle prend des cours de chant puis de piano. En 2012, elle ne tient plus et auditionne à Belgium’s Got Talent. Deux ans plus tard, elle se retrouve dans la saison 3 de The Voice (avec Alice On The Roof et Loïc Nottet). Elle a seize ans et « se cherche », précise la bio. « Je voyais où je voulais aller, mais je ne savais pas trop comment. Et puis, il n’y avait pas encore la fluidité entre les genres que l’on observe aujourd’hui. Je me sentais coincée. » Elle a la révélation quand elle tombe sur la chanteuse américaine Banks et sa pop indé mélancolique. Aujourd’hui, si elle rechigne toujours à ranger sa musique dans un tiroir, Tessa Dixson parle volontiers de dark pop. Soit « des textes un peu sombres, ou en tout cas un peu plus recherchés que « Je t’aime » ou « Tu m’as brisé le coeur ». Et puis surtout, des synthés et des mélodies mélancoliques. »

Tessa Dixson :

Petit à petit, l’univers se précise. D’autant que la jeune femme fait partie de cette génération qui aime réfléchir à la totalité du package. Notamment son aspect visuel. « Dès que j’ai lancé mon projet, je me suis posé la question de savoir comment je voulais être perçue. Pas juste en tant que chanteuse, mais aussi en tant qu’artiste. J’ai toujours été intéressée par l’art, le cinéma, la photo, et la mode. Autant les inclure dans mon travail. »

Côté cinéma, elle cite Lynch, Harmony Korine, ou encore Larry Clark -soit une certaine idée du mystère et plus encore du malaise à l’américaine. Petite-fille d’une artiste-peintre, elle a également suivi des études de design graphique à l’Erg, à Bruxelles, et travaille ses visuels avec l’agence Vue Studio.

Quand elle évoque ses chansons, elle parle d’ailleurs volontiers de tableaux. « Ça peut être une toile blanche avec un seul trait noir. Mais si vous restez devant assez longtemps, vous commencerez à y voir des choses. Mon but est de créer des chansons dignes de l’imagination de l’auditeur. »

Indé sans être pour autant iconoclaste, la pop de Genesis a la taille internationale. Elle a été produite en compagnie du couple Reinhard Vanbergen et Charlotte Caluwaerts, le premier étant connu notamment pour ses états de service au sein de Das Pop. Un groupe gantois qui ne dira probablement rien aux millennials, mais qui fut l’un des fleurons de la belpop des années 2000. Un choix étonnant? « C’est mon manager qui me les a présentés. On s’est accordés assez naturellement. Puis ils sont très éclectiques, ils m’ont aidée à sortir de ma zone de confort. »

Dans le futur, Tessa Dixson n’exclut pas de mettre davantage les mains dans la production. De retour ces jours-ci dans la maison familiale de Rixensart, la Bruxelloise d’adoption en a d’ailleurs profité pour découvrir de nouveaux outils. Le confinement aura au moins servi à ça. Pour le reste… « C’est beaucoup d’incertitudes. Et de frustration. Je comptais jouer cet album en live. Et ça n’arrivera pas…. Il va falloir se réinventer. Quelque part, c’est aussi une occasion de remettre les compteurs à zéro. De se poser les bonnes questions… » Elle s’interrompt quelques secondes. « Je suis rentrée dans le confinement de manière assez positive, en me disant que j’allais avoir du temps pour lire, apprendre de nouvelles choses. Mais après deux semaines, j’ai réalisé l’ampleur de la situation, à quel point ça allait changer ma vie… Je suis pour l’instant avec ma mère qui travaille autour des énergies renouvelables (elle est coprésidente du Club de Rome, NDLR). Quand cette pandémie sera derrière nous, on ne pourra pas faire comme avant, à continuer de nourrir un capitalisme effréné, et une pollution grandissante, c’est insoutenable. Donc aujourd’hui, je prends ce temps pour réfléchir. La musique est toujours mon but. Mais je veux être sûre de faire les choses pour les bonnes raisons… »

Tessa Dixson, Genesis, distr. Pias.

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