Tea Rooms
Aujourd’hui, on sait gré à La Contre Allée de sortir de l’oubli -pour le public francophone- Luisa Carnés. Travailleuse dès l’enfance, autodidacte et membre de la Génération de 27 (groupe littéraire auquel appartenaient notamment Federico García Lorca et Pedro Salinas), elle se fera une place parmi les grands dans les années 30, avant de voir ses engagements pendant la guerre civile et la censure sous Franco la dissoudre dans l’Histoire. En 1934, elle tire de sa propre expérience ce roman, Tea Rooms. À Madrid, nous suivons Matilde, jeune chômeuse. Engagée dans un établissement où s’agitent d’autres employées rôdées et résignées dans leurs gestes, elle observe d’un oeil circonspect une responsable assez intraitable et un patron qu’on surnomme l’ogre. On abolit les jours de relâche, et on licencie l’une d’entre elles, signe que » d’un côté il y a ceux qui prennent l’ascenseur et de l’autre ceux qui passent par l’escalier de service« . Une grève naissante va les questionner toutes. La promptitude de l’héroïne à penser hors du cadre, l’oeil aiguisé et l’élégance avec lesquels Luisa Carnés décrypte ce microcosme où les odeurs de biscuits se mêlent au parfum sulfureux des liaisons illégitimes en font une lecture déjà enthousiasmante. Quant à l’émergence d’une lutte prolétaire parmi les employées ou aux pensées révolutionnaires de l’autrice, elles sont bien davantage qu’une simple cerise sur le gâteau: elles sont la preuve vibrante que déjà à l’époque, certaines femmes trouvaient intolérable d’avoir à choisir entre la soumission à leur mari et celle à leur patron.
De Luisa Carnés, éditions La Contre Allée, traduit de l’espagnol par Michelle Ortuno, 256 pages.
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