Les choses de la vie – Still Walking est un pur chef-d’ouvre, dans la lignée de l’ouvre d’Ozu. Hirokazu Kore-Eda y peint les délicates relations des membres d’une famille avec une sobre mais bouleversante émotion.
De Hirokazu Kore-Eda, avec Hiroshi Abe, Yoshio Harada, Kirin Kiki. 1 h 55. Sortie: 27/05.
Il marche encore, et n’en est pas peu fier. Le noble vieillard sort de sa maison pour sa promenade quotidienne. Quelques mots échangés avec une voisine et le voilà parti, s’appuyant sur sa canne, descen-dant la rue puis un escalier qu’il faudra bien remonter sur le chemin du retour, tel l’instrument d’une (é)preuve de sa résistance à l’âge, à l’approche de la mort… Ainsi se présente le patriarche d’une famille japonaise de Yokohama, une famille sur le point de se réunir pour commémorer la disparition tragique du fils aîné, voici 15 ans déjà. Au fil du temps, les relations se sont modifiées, altérées, compliquées de distance et de non-dits. Et si la mère a bien préparé, comme chaque année, un festin pour accueillir ses enfants et petits-enfants dans la calme et confortable maison, elle sait qu’une fois encore tout ne sera pas facile. Avec le père réprobateur, réfugié dans son bureau, le fils survivant qui se sent depuis toujours négligé, incompris, et l’ombre du fils décédé, d’autant plus préféré qu’il fut arraché à l’affection des siens, il y a déjà de quoi engendrer une gêne, à laquelle d’autres incompréhensions viendront s’ajouter de manière tantôt drôle, tantôt cruelle…
Au plus près des êtres
Attentif à chacun des personnages de son film, Hirokazu Kore-Eda signe avec Still Walking une subtile et bouleversante chronique familiale, dans la lignée des chefs-d’£uvre de Yasujiro Ozu ( Voyage à Tokyo, Le Goût du saké). Tout comme son grand aîné, le cinéaste né en 1962 (un an avant la mort d’Ozu…) choisit la sobriété, maintient la retenue, maîtrise l’art de la nuance et du cadrage le plus précis. Certes le Japon d’aujourd’hui a changé, le respect des enfants pour leurs parents perd de sa rigueur, et le tissu familial autant que social s’est distendu. Mais au bout du compte, c’est une même vérité humaine qui émerge et qui nous touche au plus profond, sans effet sentimental, par sa seule justesse et par le style, que Kore-Eda possède et qui confère à son film une discrète mais souveraine beauté. L’auteur de Maborosi, After Life et Nobody Knows (cette merveille de 2004 où des enfants délaissés survivaient à Tokyo sans assistance adulte) confirme avec Still Walking qu’il est bel et bien, aujourd’hui, le digne héritier des maîtres nippons de l’âge d’or des années 30 à 50. Ce dont il parle est clairement situé, socialement, géographiquement, culturellement. Sa portée universelle n’en est pas moins immense. Et chacun de nous trouvera devant son film matière à vibrer, à ressentir, à songer à quelque expérience personnelle des relations entre générations. On ose le mot chef-d’£uvre à propos de cette chronique douce-amère, dont les images et les personnages nous accompagnent longtemps après la fin du générique.
Louis Danvers
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