Quarante degrés Celsius séparent Winnipeg de l’IGF/GDC de San Francisco. Déclarée ville la plus froide du Canada cet hiver (avec une moyenne de -20), la cité tout droit sortie de la planète Hoth de Star Wars abrite son lot de barbus pittoresques, qui aiment comparer leur toison faciale lors de championnats. Parmi ceux-ci, Dylan Fries d’Electric Monk. « Mais je ne suis pas un de ces hipsters », souligne- t-il en caressant doucement son pelage. « Chez nous, la barbe est une tradition. Avec Michael Sanders (son partenaire, ndlr), nous venons d’ailleurs de sortir un documentaire intitulé Men With Beards. »

Ce dandy improbable de 28 ans, qui a signé depuis un an chez Devolver, label bipolaire adepte de cinéma et de jeu vidéo indé (voir encadré) ne dégelait donc pas sa moustache sous le soleil californien pour une seule raison filmique. Il y présentait en effet, à côté, Space Madness: Rise of the Robot Overlords. A l’état de prototype, ce voyage galactique en réalité virtuelle se pratiquant avec le Rift d’Oculus n’a aucun équivalent dans le paysage -désert- des simulateurs de combats spatiaux.

Dès le casque de RV enfilé, le gamer se retrouve ainsi aux commandes d’un vaisseau spatial attaquant des superstructures au design industriel effrayant. On traverse parfois des tunnels à vous rendre claustrophobe. Jubilatoire et omniprésente, cette sensation de contraste contamine le rapport de force qui oppose le joueur à ses adversaires. « Michael Sanders est un réalisateur de films d’horreur de séries B. Nous voulions que le joueur se sente donc constamment pourchassé, le placer dans le rôle de la victime, mais dans l’espace. Notre travail s’inspire beaucoup des fractales, de ces motifs mathématiques qu’on trouve dans la nature », avance Dylan Fries.

« Electric Monk(1) essaye d’effacer les barrières entre le jeu vidéo et le cinéma indépendant. Nous racontons des histoires en utilisant la réalité virtuelle et le cinéma. Il est important que le medium ludique sorte de sa bulle pour s’intéresser à ce qui se passe autour de lui. » Et de fait, les combats spatiaux de Space Madness: Rise of the Robot Overlords marquent également les esprits en posant une bande-son entre death metal, hardcore, noise et krautrock. Derrière sa radio intergalactique commentant en temps réel (et avec humour) les faits et gestes du joueur, on trouve Sabbatory, formation death metal de Marshal Fries, frère de Dylan qui a signé sur Unspeakable Axe Records.

Ce travail esthétique et narratif inouï nourrit en outre des ambitions de gameplay ambitieuses. « C’est un shooter tactique et expérimental. Il se pilote comme un bombardier de la Seconde Guerre mondiale: en équipe. L’idée, c’est que le pilote porte le casque de réalité virtuelle d’Oculus et que les autres joueurs prennent un iPad pour contrôler ses tourelles de tir. » Un projet prometteur donc, d’autant qu’Electric Monk a déjà travaillé avec l’Université du Manitoba sur des expériences de réalité virtuelle entre narration, éthique et souffrance (à des fins muséales).

(1) LE NOM DE LEUR STUDIO EST UN HOMMAGE À UN PERSONNAGE NÉ DE L’IMAGINATION DU ROMANCIER DOUGLAS ADAM, AUTEUR DU GUIDE DU VOYAGEUR GALACTIQUE.

M.-H.T.

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