Squidji

Squidji chante l'amour, "le sujet universel par excellence". © alyas music

À 22 ans, le Parisien sort Ocytocine, un premier album qui élargit les codes rap-r’n’b français pour mieux parler d’amour, crooner et rêveur à la fois.

 » Depuis un an, pas mal de choses ont changé pour moi. Musicalement, mentalement aussi. Au début, par exemple, je n’étais pas trop à l’aise avec les interviews. Je ne voyais pas l’intérêt de raconter ma vie. Aujourd’hui, c’est plus simple. J’ai même appris à apprécier l’exercice. » En vrai, Squidji a conservé le sourire un peu timide de celui qui se demande encore ce qu’il fait là… En l’occurrence, le décor du jour est celui des studios ICP, à Bruxelles. Le jeune Parisien connaît bien: il y a enregistré une partie de son album. Assis dans un des salons du bâtiment, il retrouve les murs de brique rouge, décorés des multiples disques d’or produits sur place. Cela n’est pas (encore) le cas du sien. Sorti au printemps dernier, Ocytocine n’en a pas moins tiré son épingle du jeu. Avec son mélange de r’n’b brumeux et de rap, il a réussi à joliment se démarquer. Romantique, Squidji parle d’amour – « le sujet universel par excellence ». Mais là où d’autres roucoulent, son crooning est plus nuancé. Surtout, dans un univers rap français où les grosses cylindrées restent souvent scotchées aux mêmes patterns, Squidji propose un univers très « musical » et organique.

Le coeur trap’n’b

Ce parti pris s’entend dès l’intro du disque. Un orgue d’église introduit Nous et sa chorale gospel -on la retrouvera en fin d’album. Elle n’est pas là uniquement pour décorer.  » Mon père est croyant, très pratiquant. En voiture, il passe souvent des sons chrétiens, évangélistes. Et puis il m’emmenait à la messe tous les dimanches, où il y avait toujours une chorale. Mon rapport à la musique vient en partie de là. Du coup, c’était logique de ramener un choeur gospel sur le disque. Même Kanye West fait ça!«  (sourire).

Frédéric Massamba, de son vrai nom, n’est pas né à Chicago, mais bien à Paris, dans le XVe, le premier jour de l’an 1999. Originaire du Congo-Brazzaville, il entend pas mal de rumba congolaise à la maison, à côté de la chanson française et des chants religieux.  » Et puis le rap forcément, comme tous les jeunes de mon âge. » À force de binger YouTube, de sauter de vidéo en vidéo, il plonge aussi dans le r’n’b.  » Pendant toute une période, je n’écoutais plus que ça. » Il découvre « l’école » canadienne, celle de PartyNextDoor, Drake, et son label OVO, etc. Sa caractéristique principale est de s’éloigner du sirop des ballades US pour creuser une veine plus mélancolique qui fascine celui qui ne s’appelle pas encore Squidji. À l’époque, l’ado commence à publier quelques premiers freestyles sur Facebook, mais sans grandes ambitions. Un jour, profitant de l’absence de ses parents, il invite un pote à venir jouer à Fifa chez lui.  » Il est arrivé à 2 heures du matin, avec cinq autres gars en skate. » Parmi eux, une bonne partie du collectif Ultimate Boyz, dont Captaine Roshi.  » À un moment, ils ont commencé à rouler des joints. Honnêtement, j’étais pas du tout à l’aise qu’ils fassent ça chez moi. Mais finalement, j’ai tiré une taf. La première de ma vie! J’ai directement décollé. On ne s’est plus quittés. On se retrouvait à 3 heures du mat pour « rider » en Vélib’ dans tout Paris jusqu’à l’aube, et voir le soleil se lever. J’avais quinze ans. Et ça reste le meilleur été de ma vie. »

Squidji

Bientôt, il voit ses camarades intégrer le monde du rap. Tout en passant son bac, il se lance lui-même dans le bain, en postant ses premiers morceaux sur la plateforme SoundCloud. Le titre Groupie commence à prendre. Mais c’est Doudou, reposté par Twinsmatic, proche de Booba , qui va lui valoir son premier million d’écoutes, en 2018. Squidji y chante désormais plus qu’il ne rappe, sur une ligne de piano rêveur. Trois ans plus tard, il affine la formule avec un premier album au casting trois étoiles. Au milieu des productions signées Ponko (Hamza), Ikaz Boi (Joke), Dioscures (Laylow), etc., c’est le Bruxellois Prinzly qui a dirigé les opérations. Soit une bonne partie de l’équipe que l’on a pu voir au générique de l’album Qalf de Damso, avec lequel Ocytocine partage le goût pour des formats assez libres. Ici, pas question de casser les codes rap à tout prix, mais bien de les étirer un peu. Cette ambition se reflète également dans la liste d’invités. De Josman à Lala &ce en passant par Lous & The Yakuza – » elle est arrivée en studio, a écouté le morceau et, un quart d’heure plus tard, elle était en cabine pour enregistrer sa partie! Je n’ai même pas eu le temps de terminer mon jus! »-, chacun des guests a su développer sa propre patte. « Ils sont tous très différents, mais ont ce truc en commun de faire ce qu’ils veulent. »

Squidji, lui, maîtrise déjà parfaitement sa voix, au propre comme au figuré -on en aura la confirmation quelques heures plus tard lors de son live, programmé dans le cadre des Fifty Sessions de l’été. Dans ses textes, l’amour est omniprésent, avec ses vices et vertus, à la fois sentimental et ancré dans son époque. La musique, elle, varie les humeurs et les couleurs: pop ( Stripper), rap ( Subaru), r’n’b ( Cicatrices), chanson ( A.M.O.U.R.), trap ( BZ), ou afrobeat sur Paris, c’est noir ou Paradis bleu. Sur ce dernier, on retrouve encore Disiz La Peste, « ancien » qui a lui aussi toujours cherché à balader son rap en dehors des sentiers battus.  » Musicalement, c’est vrai qu’on se ressemble un peu. Il est difficile à catégoriser, c’est un véritable ovni. » Pour qualifier les morceaux de Squidji, les articles parlent souvent de « r’n’b noir ».  » C’est une erreur de ma part. J’ai dit ça un jour dans une interview, en n’imaginant pas que ça allait être repris partout. À la limite, je préfère qu’on parle de trap’n’b. Même si, au fond, je veux juste faire de la musique. Sans être limité. »

Squidji, Ocytocine, distribué par A+LSO

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