Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LASSÉ DE VOIR L’HORREUR DU MONDE S’ÉTALER DANS TOUTE SON OBSCÉNITÉ? MARIO DILITZ NOUS PLONGE DANS UN GRAND BAIN DE SÉRÉNITÉ À LA GALERIE LKFF. SALUTAIRE.

Solo Show

MARIO DILITZ, LKFF, 15 RUE BLANCHE, À 1050 BRUXELLES. JUSQU’AU 17/01.

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On pousse la porte de la galerie et on leur fait face. Sans que l’on ait pu se préparer d’une quelconque façon que ce soit à cette rencontre d’un autre type. Dix sculptures, toutes figuratives, de tailles variées. Elles ont fait le pari du « Beau » cher à Platon, celui qui s’écrit avec une majuscule. La première impression est de renouer avec la sérénité marmoréenne de la statuaire grecque, loin des vicissitudes et des souillures. Après être resté à distance, en signe de respect, vient le moment du face-à-face, de la rencontre entre la chair et le bois. On plante les yeux dans ceux de cet enfant noir, sculpté à même le chêne, dont les poings sont dissimulés par d’imposants gants de boxe. Ces derniers introduisent une fascinante disproportion dans l’oeuvre. Tout y est: Mario Dilitz parvient à restituer jusqu’à l’aplomb de la silhouette, ce fil quasi imperceptible qui nous fait échapper à la pesanteur universelle. Le visage est neutre, une véritable signature pour l’artiste autrichien qui refuse d’utiliser la facilité expressive pour nous emmener sur les chemins interprétatifs qui ne mèneraient nulle part. Le corps et rien d’autre, lui dont le langage ne ment jamais. Plus loin, ce qui est sans doute un adolescent se protège des regards inquisiteurs en rentrant les épaules. Cette tentative de dissimuler son diaphragme est à la fois vaine et touchante. Si elle n’était pas si grande, on serrerait cette masse compacte et pourtant désarmée contre soi. On la pousserait à offrir son plexus au monde, bien qu’on ne soit pas sûr que ce dernier en soit digne…

D’étranges veines

Né à Axams (Autriche) en 1973, Mario Dilitz a grandi dans les odeurs boisées de l’atelier de son père, sculpteur ornemental. Dans une région, le Tyrol, où le maniement de la gouge, ce ciseau à bois, se transmet de génération en génération, Dilitz a tourné le dos à la tradition dans un premier temps. Délaissant dès 12 ans les outils qui creusent, il a préféré tracer son chemin dans la neige en embrassant une carrière de skieur acrobatique professionnel. Cette vie de bosses et de tremplins, c’est en général le corps qui la déserte de lui-même. Dilitz n’a pas échappé à cette loi dont l’arrêté l’a rattrapé à 25 ans. Retour à la case départ de l’atelier donc où il lui a fallu se rendre à l’évidence d’un talent naturel. L’Autrichien n’a pas son pareil pour « donner vie ». Il extrait ses créations du bois comme il éplucherait un fruit. Sa technique de travail est atypique, il part du haut, de la tête donc, et descend vers les pieds sans avoir à revenir sur les parties accomplies. Pour ce faire, il se sert de morceaux de bois laminés qu’il colle ensemble pour former un fût de base. Le rendu est particulièrement impressionnant quand il travaille le tilleul et que l’assemblage laisse entrevoir des sortes de veines qui sont la trace de la colle rouge qu’il utilise. Une marque de fabrique que l’on qualifiera volontiers de « vibrante ». Au final, chaque sculpture résulte d’un long travail -environ dix semaines- débouchant sur une approche à la fois modeste -Dilitz s’efface totalement derrière ses oeuvres- et géniale en raison de l’indiscutable caractère hiératique du résultat.

WWW.LKFF.BE

MICHEL VERLINDEN

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