EMMENÉS PAR LA RENVERSANTE BRITTANY HOWARD, LA CARTE DE SON ÉTAT NATAL TATOUÉE SUR LE BRAS, LES ALABAMA SHAKES SORTENT LEURS BICEPS SUR UN DEUXIÈME ALBUM, SOUND & COLOR, AUSSI VARIÉ QUE DÉCOMPLEXÉ.

Révélés en 2012 par le single Hold On, les Alabama Shakes dégainent Sound & Color (lire la critique page 23). Deuxième long format qui voit large et touche à tout (funk, soul, pop, gospel, rock’n’roll) avec la même impressionnante dextérité. Généalogie d’un hit.

Blake Mills

Brittany Howard (guitare, voix): « Pour le premier album, nous avions eu tout notre temps. Trois ans pour écrire des chansons. Un autre contexte, une autre situation. Cette fois, nous voulions explorer. Nous ne savions pas si ça allait marcher. Nous aimions le disque Break Mirrors de Blake Mills. Son son, l’espace qu’il laissait dans la musique. Nous aurions pu embaucher pratiquement tous les producteurs que nous voulions. Nous n’avons même pas dressé de liste. Ce sont eux qui nous contactaient. Mais nous voulions quelqu’un qui nous procure de l’excitation. »

Steve Johnson (batterie): « Il a dit un truc qui m’a vraiment fait comprendre que nous devions travailler avec lui: « C’est en vous. Il faut juste l’aider à sortir. » Ça m’a parlé. L’attitude, les vibes, c’est quelque chose de primordial quand tu bosses sur un disque. A fortiori dans une petite boîte comme peut l’être un studio. »

B.H.: « Nous voulions avant tout éviter d’enregistrer un Boys & Girls numéro 2 mais nous n’avions pas une vision très claire de là où nous allions. Ça a évolué au fil des sessions. Certaines chansons de notre premier album n’étaient pas rétro du tout. Mais celui-ci est plus moderne en termes de production. »

Rob Moose

B.H.: « Ce type est juste incroyable. Il peut se transformer à lui tout seul en une section entière de cordes. Par sa touche, il est un autre homme. Incroyable. J’ai écrit quelques arrangements. Il est venu leur donner sens. Il m’a presque fait pleurer. Il est merveilleux. J’aime son travail avec Antony, oui. Mais c’est Blake, l’un de ses amis, qui l’a fait embarquer à bord.  »

Curtis Mayfield

B.H.: « Super Fly est bien sûr un disque incroyable. Je connaissais la chanson mais c’est un album que j’ai dû réellement découvrir quand j’avais 20 ans. J’adore la voix de Curtis. Dès que tu l’entends, tu sais que c’est lui. Mais j’aime aussi son jeu de guitare. Ses sections de cordes. Les structures de ses chansons. Ce sont des choses auxquelles j’ai vraiment prêté attention. David Axelrod m’a aussi beaucoup inspirée. Mais entre les intentions et le résultat, il y a toujours beaucoup de marge. Et le filtre, c’est ce que tu es. Ce que tu fais. Chez Axelrod, ce que j’adore, c’est le sens du détail. Il fait toute la différence.  »

Sister Rosetta Tharpe

B.H.: « Je lis pas mal de bouquins sur la musique. J’ai potassé James Brown, Otis Redding… Mais aussi une Whitney Houston qui m’a nettement moins influencée. Je ne prends pas ce qu’ils racontent au pied de la lettre. De toute façon, nous avons notre propre livre à écrire. Nous avons néanmoins beaucoup à apprendre des histoires et des erreurs des autres. J’ai vraiment adoré Shout, Sister, Shout!, la bio de Sister Rosetta Tharpe. Derrière ce nom se cache un personnage particulièrement intriguant. Une chanteuse gospel qui s’est fait remarquer au milieu du siècle dernier en associant des textes spirituels à des rythmiques pré-rock’n’roll (elle a influencé Little Richard, Johnny Cash, Elvis, Jerry Lee Lewis). Elle a prouvé qu’une femme pouvait aussi bien jouer de la guitare qu’un homme. Sa vie, passionnante, est nappée de mystère. Dans les années 40, elle faisait déjà énormément la fête et était réputée bisexuelle alors qu’elle chantait le gospel à l’église. Définitivement quelqu’un en avance sur son temps. »

Dieu

B.H.: « Il y a quelque chose de divin dans l’acte de création je pense. Et ce pour tout être humain. C’est formidable, non, de prendre ses mains et de fabriquer, de donner vie à quelque chose? En ce sens, c’est déjà pour moi lié à une certaine forme de transcendance. Puis la musique te permet de faire partie d’une espèce de toile invisible. Il y a quelques références à Dieu dans nos chansons, oui. Parce que je crois en lui. Même si je ne prétends pas savoir duquel il s’agit. Je crois au spirituel et au sacré. »

Gil Scott-Heron

B.H.: « Sa musique est magique mais c’est vraiment avec ses paroles qu’il est parvenu à m’emprisonner. Il y a des choses dans la vie auxquelles tu dois avoir goûté pour comprendre de quoi il retourne et Gil Scott-Heron en fait partie. Si quelqu’un a tracé son chemin sans se soucier des conventions, c’est bien Gil Scott-Heron. Peu importe ce qui est populaire. Ce qui le sera. Et ce qu’il adviendra. Nous sommes de meilleurs musiciens qu’il y a cinq ans mais nous ne voulions surtout pas nous montrer complaisants. Jouer sur nos acquis pour essayer de vendre le plus de disques et d’amasser le plus de pognon possible. Personnellement, j’ai vraiment voulu expérimenter avec les différentes voix qu’il y avait en moi. J’essaie de toutes les utiliser. »

The Temptations

B.H.: « J’ai l’impression qu’ils sont incompris parfois… Attends. Je vais te montrer ce que je veux dire. (Elle sort son iPhone et nous fait écouter les Temptations dans ce qu’ils ont de plus psychédélique) Ils ont pris un genre et l’ont confronté à ses limites. L’ont poussé vers l’avant. Bien sûr, c’est toujours possible en 2015 avec des instruments qui existent depuis des dizaines d’années. On en revient au détail. Tout est unique et exclusivement à toi si tu restes fidèle à ce que tu es. »

LE 28/06 À ROCK WERCHTER.

RENCONTRE Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content