Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

LA CAUSE DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE EST IDENTIFIÉE. PAS TANT L’EFFET DE SERRE QUE LE LABEL HI RECORDS ET SA STAR SEVENTIES AL GREEN, AUX CLASSIQUES SOUL SÉMINAUX.

Al Green

« Let’s Stay Together »

9

« I’m Still In Love With You »

8

« Greatest Hits »

9

Ann Peebles

« I Can’t Stand The Rain »

8

DISTRIBUÉS PAR FAT POSSUM/PIAS.

Certaines rééditions se suffisent à elles-mêmes. En 2009, l’enseigne Fat Possum mettait la main sur le catalogue du label Hi Records et en profitait pour ressortir une série d’insubmersibles. Quatre ans plus tard, ces rééditions sont enfin distribuées en Europe. Sans chichis, c’est le moins que l’on puisse écrire. Mais quand on dispose de telles pépites, est-il vraiment nécessaire d’en rajouter? Lancé à Memphis en 1956, sur le modèle du label Sun, Hi Records prit le tournant soul qu’on lui connaît avec Willie Mitchell. Devenu directeur artistique du label à la fin des sixties, c’est lui qui sculpta le son typique, ce groove chaud et boisé, sensuel et fondant. Dans son studio Royal, un ancien cinéma miteux, Mitchell pouvait compter sur un casting quatre étoiles: Al Jackson (batteur chez Booker T. & The MG’s) et les frères Hodges (basse, orgue, guitare). La première fois qu’il prendra le contrôle de la console, ce sera avec la jeune Ann Peebles, qu’il rencontre dès 1968 (Walk Away). Six ans plus tard, il est également derrière le classique I Can’t Stand The Rain. Voix légèrement éraillée, Peebles y fait notamment des miracles sur I’m Gonna Tear Your Playhouse Down, le timbre enveloppé dans des cordes et des cuivres désenchantés.

Love and happiness

Mais la recette magique, le nombre d’or, Mitchell les trouvera avec Al Green. Difficile d’imaginer soul sudiste plus soyeuse que celle croonée par Albert Green (1946). Après avoir testé la formule sur deux albums, et ramassé un premier hit (l’inouïe lamentation de Tired of Being Alone), il sortira Let’s Stay Together (1972) et tout de suite après I’m Still In Love With You. Plus que des disques: des invitations au sexe tournant en 33 tours/minute.

Tout est là. Le son rond de la batterie, les larmes de violons, la basse ronronnante. Et puis Al Green, voix d’une élégance insensée, investissant chaque note avec une intensité amoureuse. De vraies montagnes russes: Green minaude, supplie, crie, susurre. Reprise aux Bee Gees, How Can You Mend A Broken Heart (sur Let’s Stay Together) devient par exemple une épopée de plus de six minutes, le soul man chantant au ralenti, détachant chaque syllabe, pendant que l’orgue chiale. Sur l’album suivant, on trouve un autre chef-d’oeuvre, dont le titre dit tout: introduit par une guitare et une batterie minimalistes, Simply Beautiful est un miracle, un retourne-palpitant sublime, qui ferait chavirer les plus convaincus des abstinents. Par la suite, le chanteur se fera pasteur et enregistrera surtout du gospel, avant de revenir à des suppliques plus profanes en 2003 (I Can’t Stop). Un retour réussi, mais qui ne surpassera jamais le miel de ses productions des années 70. Lesquelles, 40 ans plus tard, font toujours remonter la température de la pièce de quelques degrés.

LAURENT HOEBRECHTS

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