Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ENTRE 1969 ET 1970, SLY STONE A DIRIGÉ SON PROPRE LABEL, LUI PERMETTANT DE PASSER DU FUNK COMBATTIF DE STAND! AU GROOVE PLOMBÉ ET DROGUÉ DE THERE’S A RIOT GOIN’ ON.

Divers

« I’m Just Like You: Sly’s Stone Flower 1969-70 »

DISTRIBUÉ PAR LIGHT IN THE ATTIC.

7

En 2007, il avait encore tenté un semblant de come-back. Moins créative que lucrative, la tournée de Sly Stone était notamment passée par le Blue Note festival, à Gand. Ceux qui y étaient se souviennent d’avoir aperçu une sorte de fantôme. La légende soul n’était restée que quelques minutes sur scène, avant de s’éclipser « le temps de reprendre son souffle ». Les spectateurs ne l’ont plus jamais revu. Si les années 60 ont constitué une décennie trépidante, elles ont aussi laissé des traces. « Personne ne sortira d’ici vivant », chantait Jim Morrison. Ou en tout cas pas tout à fait indemne.

C’est en 1969 que Sly and the Family Stone sortira son plus gros carton. Stand! imposera le groupe multiracial et crossgenres, entre funk, rock et soul psychédélique. On y retrouve notamment les hits Everyday People ou I Want To Take You Higher. Deux ans plus tard, la formation sort There’s a Riot Goin’ On. L’humeur a changé. Les utopies hippies ont sombré, tandis que la lutte des Noirs pour les droits civiques a perdu son icône, Martin Luther King, assassiné. Plus sombre, moins mélodique, le chef-d’oeuvre groggy de Sly Stone reflètera ce désenchantement. Le changement de cap musical avait pu sembler radical. En s’attardant sur les années 69-70, la compilation I’m Just Like You montre pourtant qu’il couvait depuis un moment.

Electro morose

Le disque s’attarde sur les productions de Stone Flower, label éphémère que la maison de disques Atlantic avait confié aux bons soins de Sly Stone. Durant deux ans, l’enseigne servira de laboratoire pour la star. Petit à petit, le funk de la famille va ainsi ralentir, et se montrer plus renfrogné. La transformation la plus spectaculaire est d’abord rythmique. La batterie va être remplacée de plus en plus souvent par une machine, la fameuse Maestro Rhythm King. A cet égard, le parcours d’un morceau comme Somebody’s Watching You est emblématique. Déjà présent sur l’album Stand!, il sera réenregistré une première fois par le girl band Little Sister (mené par Vaetta Stewart, la plus jeune soeur de Sly). Une troisième version, plus dépouillée, deviendra le premier single utilisant une drum machine à intégrer le Top 40 américain.

Sly Stone teste ainsi toutes les couleurs de l’instrument. Sur des morceaux comme Africa ou le Life & Death in G&A de Joe Hicks, le funk comateux rumine ses mauvaises pensées, traînant et morose. Avec le groupe 6ix, Sly Stone introduit une autre sorte de décalage. Complètement stoned sur Dynamite, le quartet vocal se tient au minimum sur le grinçant I’m Just Like You: une drum machine, une basse paresseuse, et la wah-wah qui bulle, pendant que le leader Charles Higgins en fait lui des caisses.

Document passionnant, I’m Just Like You: Sly’s Stone Flower 1969-70 montre ainsi une musique en pleine mutation, inventant un nouveau groove électronique. Le musicien/critique Julian Cope peut ainsi écrire: « Dans une interview de 1978, Brian Eno suggérait de rassembler Kraftwerk et Parliament dans une même pièce et d’en faire un disque. Sauf que Sly avait déjà réalisé cette idée comme personne et cela huit bonnes années auparavant! »

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content