Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

VOIX GRAILLEUSE À LA JOE COCKER, PAOLO NUTINI DONNE UNE NOUVELLE ÉPAISSEUR À SA POP-R’N’B. SANS JAMAIS RÉINVENTER LA ROUE, MAIS AVEC PERTINENCE.

Paolo Nutini

« Caustic Love »

DISTRIBUÉ PAR ATLANTIC.

7

Autant prévenir: on a toujours eu un souci avec la voix de Paolo Nutini. Gênant quand on sait qu’il s’agit aussi de son principal atout, sa caractéristique la plus remarquable. Trop éraillée pour être tout à fait vraie, trop écorchée pour paraître vraiment sincère? Le doute, dès le départ, était permis. Quand l’Ecossais aux origines toscanes a sorti son premier album en 2006 (These Streets), il pouvait ainsi facilement passer pour la nouvelle star blue-eyed soul façonnée de toutes pièces par son label, la major Atlantic (Warner). Un beau gosse mal rasé qui fait de la pop-soul passe-partout, torchée par une voix nasillarde passée au papier de verre, façon Rod Stewart ou Joe Cocker. Le tout, alors que l’intéressé avait à peine dépassé les 20 ans. Méfiance… Ce n’était pas forcément la faute de Nutini. Une décennie, et plus, de concours télé en tous genres, de The Voice à la Nouvelle Star, a brouillé les cartes, semé la confusion. Il faudra bien faire un jour le bilan et analyser à quel point la télé a modelé une certaine manière d’interpréter et de séduire l’oreille, et pour quel résultat. A la chaîne, des dizaines de sous-Ben Howard, de mauvais clones de Joss Stone. Mais combien d’Amy Winehouse?

Le Dictateur

Jusqu’ici, Paolo Nutini, c’était donc ça: un jeune chanteur de soul-r’n’b aux effusions un poil trop calibrées pour vraiment convaincre. Caustic Love, son 3e album paru ces jours-ci, est-il susceptible de changer la donne? Pas impossible. Le précédent Sunny Side Up avait déjà un peu flouté l’image que l’on pouvait avoir de l’Ecossais. A côté d’essais soul-ska un poil anecdotiques, Nutini appuyait aussi sur la touche British folk pastoral, façon John Martyn. Certes, le nouveau Caustic Love se recentre sur le r’n’b tel que revendiqué au départ. Mais avec moins d’effets de manche, plus d’épaisseur. On avouera volontiers que cela ne tient pas à grand-chose. Mais cela suffit, par exemple, à faire fonctionner une ballade comme Better Man, emballée par un choeur gospel. Symptomatique: Nutini arrête de frimer en y ajustant ses acrobaties vocales, son grain rocailleux trouvant l’équilibre entre démonstration et pertinence. La volonté de prendre de la hauteur est encore plus évidente avec le morceau suivant, Iron Sky. Soit plus de six minutes de soul conscientisée à la Marvin Gaye, dramatisée par un extrait du discours final de Chaplin dans Le Dictateur. Même quand il joue sur un registre plus sobre, Nutini réussit son coup: sur la sérénade Someone Like You ou Diana, autre ballade dépouillée et crapuleuse à la D’Angelo, il en fait le minimum pour un maximum d’effets.

Certes, on est toujours face à une superproduction soul-pop -le son maîtrisé et léché, les cuivres qui claquent, les envolées très « jamesbondiennes », les cordes qui s’emballent… Mais Nutini lui donne une consistance et une crédibilité que l’on n’attendait pas forcément.

EN CONCERT LE 04/07, À ROCK WERCHTER.

LAURENT HOEBRECHTS

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