Tamara Drewe, c’est elle; Alice Creed aussi: Gemma Arterton crève l’écran de cette rentrée dans 2 productions britanniques au profil fort différent, après avoir été des blockbusters américains du printemps. Rencontre avec une actrice à la fraîcheur réjouissante…

Serait-elle le nouveau joyau de la couronne britannique? Il y a de cela, en effet, à en juger par son actualité de la rentrée, qui voit Gemma Arterton occuper les fronts les plus divers avec un même allant: on la retrouve ainsi dans les 2 grosses sorties DVD du moment, The Clash of the Titans et Prince of Persia: the Sands of Time (lire par ailleurs), mais surtout dans 2 films anglais au profil divergent: The Disappearance of Alice Creed, un polar teigneux de J. Blakeson, et Tamara Drewe, l’épatante comédie de Stephen Frears dont elle tient le rôle-titre.

Si son chemisier rouge assorti d’un short Denim y a le don de faire tourner les têtes, la sienne semble bien arrimée sur ses épaules, l’intérêt dont elle est désormais l’objet n’ayant, à l’évidence, en rien entamé un naturel qu’elle a spittant et spontané, et qu’elle assortit d’une évidente simplicité -pas le genre, par exemple, à faire des manières lorsque le contenu de sa tasse de thé se répand sur le jeans et les manches du veston qu’elle a revêtu pour la circonstance. Lui prêterait-on une fraîcheur toute comparable à celle de Tamara Drewe, qu’elle tempère cependant aussitôt: « Si nous nous ressemblons en surface, nous sommes fort différentes à l’intérieur… »

Le cercle des bond girls

Gemma Arterton, le grand public l’a découverte dans Quantum of Solace, le dernier James Bond en date, où elle campait la délicieuse Strawberry Fields. « Ce fut un privilège, observe-t-elle, alors qu’on la questionne sur cette expérience. Il ne reste plus guère de choses qui soient encore florissantes dans la culture britannique, et James Bond est l’une d’elles. Faire partie de ce petit cercle des Bond Girls restera à jamais quelque chose de spécial. J’y ai vraiment pris du plaisir -comme pour n’importe qui, il s’agissait d’un rêve qui se matérialisait.  » Non, du reste, que son background l’y prédisposa particulièrement. Si son enfance dans le Kent la voit jouer dans des productions scolaires, il n’y a là aucune ambition déclarée. Le déclic se produit lorsqu’elle découvre Breaking the Waves de Lars Von Trier: « Je n’avais jamais rien vu de semblable. J’ai découvert une façon nouvelle de faire des films et d’envisager le jeu d’acteur. C’était différent, et cela a modelé mon goût -je me suis mise à étudier le jeu des acteurs en tant que forme d’expression artistique. »

De fil en aiguille, Gemma Arterton postule dans différentes écoles d’art dramatique, et est admise à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Arts, à Londres -une formation dont elle a gardé un goût immodéré pour les planches: « le théâtre reste le plus important à mes yeux. C’est un cadre libre pour apprendre, et travailler. » Issue de la promotion 2007, la voilà bientôt sollicitée de toutes parts: sur la scène du Globe Theater dans Love’s Labour Lost de Shakespeare; à la BBC dans Tess of the D’Ubervilles, d’après Thomas Hardy, et bientôt au cinéma, où elle fait ses débuts aux côtés de Rupert Everett dans St Trinian’s de Oliver Parker.

Depuis, la machine s’est emballée: non contente de survivre à la malédiction des James Bond Girls qui, pour la plupart, n’ont jamais connu face à 007 que leur fort éphémère heure de gloire, Gemma Arterton a su séduire à la fois Hollywood et le cinéma indépendant britannique, évoluant avec un même bonheur dans l’un et l’autre. Et si, entre Clash of the Titans et The Disappearance of Alice Creek, il y a l’apparence du grand écart, elle l’assume dans un sourire. « Je vois mon avenir dans le cinéma indépendant, où je me sens plus créative. Ce qui ne m’empêchera pas d’être de Clash of the Titans 2″, obligations contractuelles aidant.

Frears, à l’instinct

Son actualité immédiate, on y revient, c’est donc Tamara Drewe de Stephen Frears. Un univers au sein duquel elle a d’autant plus facilement trouvé ses marques que le roman graphique de Posy Simmonds dont est adapté le film est une variation autour de Thomas Hardy, l’un de ses auteurs de chevet. La suite a, pour ainsi dire, coulé de source: « Stephen Frears n’avait pas vu mes films antérieurs, et peut-être cela valait-il mieux ainsi. Mais il a trouvé quelque chose en moi, et m’a engagée. Travailler avec lui est une expérience incomparable -ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il est toujours entouré des mêmes personnes. » Et de tenter une explication quant à ce qui ressemble de plus en plus à une « Frears Touch »: « son instinct est sa meilleure qualité. Il arrive à cette tonalité très difficile à atteindre simplement parce qu’il la sent…  » Quitte à donner à ses acteurs des conseils pour le moins sybillins, façon « You’re giving me too much Northern Line, I need more Central Line ». S’enquiert-on encore du caractère exigeant de l’expérience qu’elle dénie farouchement – « Je sortais d’un film beaucoup plus délicat », allusion à Alice Creed, où elle passe le plus clair de son temps menottée à un lit. « Savoir montrer ma vulnérabilité m’a permis de me souvenir pourquoi j’avais un jour choisi de faire ce métier, et pourquoi je l’aimais, ce que j’avais peut-être quelque peu oublié. »

Bien dans sa tête, et bien dans sa peau, donc, l’actrice devrait retrouver les planches du West End très prochainement, pour une nouvelle production de The Master Builder de Ibsen, où elle aura Stephen Dillane pour partenaire. Quant à ses projets cinématographiques, ils demeurent pour l’heure incertains. Gemma Arterton se verrait-elle chez Lars Von Trier, qui fit sur elle l’effet d’un révélateur, encore qu’elle confesse s’être endormie devant Antichrist? « J’ai un jour auditionné pour une de ses productions, qui ne s’est jamais faite cependant. Je ne suis pas sûre de vouloir travailler avec lui, ni qu’il faille passer par cela comme comédienne. Voyez Björk, qui n’a plus jamais tourné après avoir fait un film avec lui. Mais peut-être ne suis-je simplement pas encore prête… «  Pas folle, la guêpe!

RencontreJean-François Pluijgers, à Londres

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