Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

PUNK ALTITUDE – À L’OCCASION DES 35 ANS DE SA SORTIE, L’UNIQUE ALBUM DES SEX PISTOLS BÉNÉFICIE D’UNE LUXUEUSE RÉÉDITION.

« NEVER MIND THE BOLLOCKS, HERE’S THE SEX PISTOLS »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

Trente-neuf minutes de rage et de fureur. En octobre 1977, les Sex Pistols sortaient leur (seul) album, Never Mind The Bollocks. Un concentré de morgue, de bruit et d’arrogance nihiliste. Le dernier des grands disques rock? A lui seul, il boucle en effet la boucle, symbole d’un mouvement -le punk- qui, dans les faits, se voulait autant retour aux sources (la simplicité et l’engagement plutôt que la dextérité musicale) que rejet de tout ce qui avait pu précéder (Glen Matlock qui se fait virer pour avoir soi-disant avoué sa sympathie pour les Beatles). C’est tout le paradoxe: la dernière « révolution » du rock signe aussi son arrêt de mort, l’impasse dont il ne se sortira jamais. No future

Artefact culturel

L’incendie punk a commencé quelques années plus tôt. Quand les Sex Pistols balancent NMTB, ils ont d’ailleurs déjà monté les barricades, à coup de singles provoc’ et d’ironie mordante, le tout admirablement « marketé » par leur manager, feu Malcolm McLaren. On les retrouve tous dans l’album: Anarchy in The UK, God Save The Queen, Pretty Vacant. Autant de petites bombes soniques, plus vomies que chantées par l’antéchrist Johnny Rotten, qui ont mis un beau souk… A l’automne 77, les Sex Pistols sont déjà le groupe le plus haï du pays, soumis aux pressions et aux menaces récurrentes, les poussant même à filer à Berlin pour souffler un moment. NMTB s’ouvre ainsi par Holidays in the Sun: « Claustrophia/There’s too much paranoia », clame Rotten, qui quelques lignes plus tôt à même osé la comparaison entre le tourisme de masse et les camps de concentration ( « I don’t wanna holiday in the sun/ I wanna go to new Belsen »). Ce 4e single marche peut-être moins bien que les précédents, mais cela n’empêche pas NMTB d’arriver en tête des charts britanniques…

L’événement est historique, le hold-up parfait. Un an plus tard, le groupe implosera logiquement. Qui sème le chaos… Trente-cinq ans plus tard, NMTB est cependant toujours plus qu’un disque. Un symbole, qui imposera jusqu’à son identité graphique, directement identifiable et déclinée jusqu’à la nausée, encore aujourd’hui. Logiquement, l’unique album des Sex Pistols a donc droit à une luxueuse réédition. Celle qui sort de ces jours-ci est conséquente. Aussi comique que cela puisse paraître, eu égard au brouillon sonore revendiqué à l’époque par le groupe, les morceaux de NMTB ont bénéficié du remastering de rigueur. Deux autres CD sont bourrés de démos (une version primitive du sulfureux Belsen Was A Gas) et de live (deux concerts scandinaves de 77), la quatrième rondelle étant un DVD. Un 45 tours de God Save The Queen, autocollants et autre poster constituent la cerise sur le gâteau. Le tout glissé dans un épais ouvrage au format vinyle, qui reprend l’année 77, mois par mois.

Que la pratique commémorative entre ainsi en pleine collision avec la rage nihiliste initiale ne manque évidemment pas de piquant. Ironie du sort? Certes. Mais après tout, les membres survivants du groupe, et leur business des reformations, n’en ont eux-mêmes jamais manqué…

LAURENT HOEBRECHTS

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