UNE NOUVELLE MAISON, UN BOYFRIEND ET UN DEUXIÈME ALBUM, REASON, AMÉNAGÉ AUX STANDARDS DU CARTON INTERNATIONAL: SELAH SUE PARLE DE CE QUI, AU FOND, « N’EST QU’UN MÉTIER, HEIN ».

« Je cours beaucoup dans la campagne près de chez moi, je ne fume pas et quand je suis en concert, je ne bois pas d’alcool avant, et modérément après. Le pétard? Ah non, cela me rend parano. » Selah Sue, terre de contrastes: comment une fille si menue peut-elle grimper autant d’octaves au registre des tubes inoxydables? Le premier album éponyme, sorti au printemps 2011, aime aussi l’escalade: plus d’un million de copies vendues dont 350 000 en France et 120 000 en Belgique. Mars 2015, la « journée promo » s’installe dans un bar bruxellois proche du Canal. « Je n’ai jamais pensé à ce qui pourrait se passer en termes de succès, j’étais sans comparaison, je sortais des Humanités quand on a commencé à faire attention à ma musique, je n’avais aucune idée de l’impact du premier album. Je n’ai jamais eu l’ambition d’être une artiste professionnelle, j’ai étudié la psychologie pendant trois ans. » Pour mieux se comprendre? « Oh, c’est un tel cliché! Non. Mais déjà comme enfant, même avant que je doive lutter (contre ses tendances dépressives, ndlr), je m’intéressais aux choses de l’esprit. Je ne me lève pas le matin en me disant que je dois conquérir le monde. » D’autres gens le font peut-être à sa place? « Pour la tournée, la consigne donnée à mon management était de ne pas partir loin de chez moi pendant plus de trois semaines de suite, parce que le plus important est d’être auprès de ma famille et de mes amis: j’oublie alors que je suis Selah Sue (sic), c’est un job, ce n’est pas si important pour moi.  »

Le job construit à partir de l’album de 2011 est de l’ordre de la progression lente, comme un sucre finissant par métaboliser une physionomie. Certains indices du succès qui gagne ne trompent pas: par exemple lorsque le magazine US Rolling Stonedécrète que notre SS nationale est « l’un des nouveaux visages de 2012″. Flattée par cette distinction? « Je ne connaissais pas le magazine, je n’ai jamais été dans le business (…). Ce qui m’a étonnée, c’est d’arriver dans des pays où je n’avais pas fait de promo -comme en Pologne- et de me retrouver devant une salle comble de 2000 personnes. La seule chose qui ait changé au fil des années est que maintenant j’ai davantage de raisons d’être équilibrée, c’est pour cela que j’ai choisi ce nom comme titre de l’album. Je gère mieux mes émotions, même si la musique n’est pas une thérapie suffisante. »

Instinct de survie

La candeur fait partie du processus, y compris de l’enregistrement de Reason, bouclé dans nombre de studios et lieux divers. A Bertem -entre Leuven et Bruxelles-, Selah achète une maison qu’elle partage avec son copain: il y a un an, elle y « jamme » pendant une semaine avec ses musiciens, puis file en Jamaïque pour une autre session. « Une expérience bizarre, qui consistait à écrire chaque jour pendant une semaine, avec des partenaires différents. » Là, Sue redevient Sanne et s’ennuie « avec l’envie de filer à la maison, en Belgique », bloquée dans un resort de luxe, sans pouvoir palper le réel du pays: elle en tire le bien-nommé Sadness, reggae joli aux teintes vocales crépusculaires. Elle qui aime la chaleur du Portugal ou du Brésil, et le Japon « qui est amazing », filera aussi en Grande-Bretagne pour boucler ce qui s’annonce comme un puzzle « éclectique ». Mené en gardant ses distances artistiques avec son label parisien, Because Music (Metronomy, Charlotte Gainsbourg), Warner gérant le monde à l’exception de la France. « Mon contrat se termine par cette phrase: « En fin de compte, Selah Sue conserve le contrôle sur toutes les décisions« , ce qui rend ma situation confortable. » Because lui suggère néanmoins un certain nombre de producteurs et Selah en choisit deux qui chapeautent la manoeuvre: le Danois Robin Hannibal (Laura Mvula, Kendrick Lamar) et le Suédois Ludwig Göransson (HAIM). Ce dernier l’introduit au rapper US Childish Gambino qui duettise sur Together, chanson d’amour d’un album qui les multiplie volontiers. « La philosophie du disque, exprimée par exemple dans Alive, est ce que je me dis à moi-même: « Quoi qu’il t’arrive, tu y résisteras ». »

Instinct de survie ou simple méthode Coué pour éviter le surplus destructeur? Peut-être pas la peine de chercher Selah là où elle n’est pas. Le portrait esquissé par cette discussion trace une fille contente d’avoir un boyfriend et d’habiter « la campagne flamande mais pas loin de l’aéroport, ce qui est pratique », qui ricane gentiment lorsqu’on lui demande si elle bosse la musique chez elle, les jours off. « No way, je me mets devant la télé et je regarde des émissions comme 16 & Pregnant (rires). Ceci dit, je vais encore attendre quelques années pour me mettre à la procréation. » Tiens, qu’est-ce qu’il y a encore de belge dans ta musique? « (elle réfléchit) Il n’y a pas de grande scène soul ici, mais disons que je suis belge parce que j’ai les pieds sur terre. » CQFD.

RENCONTRE Philippe Cornet

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