QUAND MIAM MONSTER MIAM DÉCOUVRE TROIS JEUNES MUSICIENS CONGOLAIS EN EXIL, ÇA DONNE KINSHASA MANTRA. UN REMUANT DISQUE D’ÉLECTRO AFRO ET UNE HISTOIRE COMPLÈTEMENT DINGUE.

C’est le genre d’histoire improbable et rocambolesque qui pourrait déboucher sur un incroyable documentaire. Dans le genre de Searching for Sugarman ou de Benda Bilili, les films consacrés à Rodriguez et au Staff, cet orchestre de musiciens tétraplégiques échappés des cruelles rues de Kinshasa.

L’aventure de Dragon Noir débute lorsque Benjamin Schoos, qui cherche quelques lignes de basse groovy pour son album China Man vs China Girl, rencontre Olivier Massamba. Le musicien lui ayant parlé de ses projets et fait écouter ses propres compositions, Miam décide de monter une session dans son studio avec le jeune Belgo-Congolais et ses frangins. Ils viennent de la région de Verviers et Pepinster où vit une importante communauté afro. Et où se seraient d’ailleurs planqués un temps des mecs de Konono. Ils jouent alors beaucoup en Allemagne où ils accompagnent des chanteurs de rumba. Dans des églises aussi.

« Je voulais qu’ils balancent des trucs à eux. Que ça groove. Quelque chose de dansant, se souvient Benjamin. On a fini la journée avec trois heures d’enregistrement. Mais elles ont dormi quelque temps. Celui de prendre du recul. » C’est quand Schoos essaie de recontacter Olivier, Manu et Thierry Jr que les choses se compliquent. Les numéros de téléphone ont changé. Il parvient à fixer un rendez-vous. A coincer le bassiste, qui écrit quelques textes en lingala. Mais au moment de tourner un clip pour le morceau Kinshasa Mantra avec Sauvage Sauvage, plus personne. « On avait tout organisé. Tout prévu. Une journée de studio. Une vingtaine d’intervenants. Et ce jour-là, sur place, il n’y a que l’équipe technique. »

A l’époque, Schoos défend son disque en Angleterre. Il fait écouter ses petits prodiges à des potes, producteurs de musique électronique, qui le convainquent de ne pas abandonner le projet. Proposent de lui trouver des chanteurs. Adil Magik est sous le charme. « On adorait ces sons incroyables d’afrobeat funky mêlée au space et au kraut rock. C’était plutôt inattendu et inhabituel. Surtout venant de gamins parfaitement inconnus dont on avait perdu la trace. »

« Où est le groupe? Il semble s’être rétracté. Comment défendre la musique s’il ne veut pas tourner? Je me suis posé des questions sur la viabilité de pareil projet, avoue Benjamin. Mais Adil a commencé à le jouer dans ses DJ sets lors de défilés de mode londoniens. Il l’a aussi fait écouter à Martin Gore de Depeche Mode qui trouvait ça super. »

Le disque se terminera à Londres. Les jeunes Congolais avaient enregistré de la basse, de la batterie, de la guitare, des congas. Puis aussi quelques synthés qui traînaient au studio. Adil et son comparse Jay Glover (A Cowboy & Indian) mettent ces jams en forme. S’approchent d’un format chanson. Et ajoutent des voix. Celles du top model Nina Kay, de la folkeuse Tamara Schlesinger et d’Adil himself, qui fait ses débuts en tant que chanteur pour l’occasion.

« Tout a avancé à l’aveuglette. Sans exemple particulier en tête. Je voulais quelque chose de moderne. Pas un bazar trop classique de musique africaine. Un peu dans l’idée d’un Screamadelica afro. Adil et Jay ont rendu les titres plus électroniques. Doublé les percussions. Appuyé quand il le fallait là où il le fallait. »

Dans le milieu du foot

« Je dirais que nous avons ajouté un peu de psychédélisme et quelques éléments dub, raconte Adil. Nous écoutons beaucoup de choses. Du rock, du disco, de la soul, du hip hop, de l’électro…Pour nous, il y a juste de la bonne et de la mauvaise musique. On a pensé à des gens comme Andrew Weatherall (Primal Scream). Mais il ne s’agit pas d’un album de producteurs. Nous avons essayé de conserver le groove et le ton originels. Ce sont des musiciens fantastiques. »

L’incroyable histoire de Dragon Noir ne s’arrête pas en si chaotique chemin. Miam cherche le groupe pour une nouvelle tentative de vidéo et parvient à coincer les trois lascars. Objectif: une demi-journée de tournage dans le quartier africain de Liège. « Ils débarquent et là je me rends compte que deux d’entre eux ne sont pas les bons. J’avais dit que je les paierais pour le boulot. Olivier est venu avec deux autres gars chargés de faire illusion. »

Apparemment, les gamins auraient troqué leurs instruments contre des crampons et se seraient tournés vers le milieu du foot. « J’avais affaire à d’excellents musiciens mais à des gosses. Au moment où il ont enregistré ce qui figure sur l’album, le batteur avait treize piges et le guitariste en avait quinze… »

Kinshasa Mantra passe déjà pas mal sur BBC2 et sur XFM. Et se vend plutôt bien sur des sites de téléchargement comme Juno. Il sortira en Angleterre début de cette année.

« Je ne sais pas trop comment travailler ce disque, reconnaît Benjamin qui a été un temps en contact avec le label Crammed. Il est assez inhabituel pour nous en matière de style. Les Anglais veulent faire du vinyle et le filer à des DJ’s. Moi, je voudrais bosser sur le live. Mais ça demande tellement d’efforts humains et d’énergie. La suite s’écrira en fonction des rencontres. Des gens intéressés par cette histoire. Je laisse venir les choses. Le projet est celui de qui au final? Des questions un peu éthiques se posent. »

DRAGON NOIR, KINSHASA MANTRA, DISTRIBUÉ PAR FREAKSVILLE.

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TEXTE Julien Broquet

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