Constance Meyer: « La robustesse est pour moi quelque chose de plutôt mental »

Une rencontre aussi bien entre deux personnages qu'entre deux acteurs, Déborah Lukumuena et Gérard Depardieu. © Dharamsala
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Constance Meyer signe avec Robuste un premier long métrage inspiré, orchestrant avec grâce la rencontre de deux solitudes -Gérard Depardieu et Déborah Lukumuena, imposants. Rencontre.

Découvert en ouverture de la Semaine de la Critique, à Cannes, Robuste impose une voix, celle de Constance Meyer, jeune réalisatrice française ayant fait ses classes à la Tisch School de New York. Et qui orchestre, dans ce premier long, la rencontre de deux personnages et deux solitudes -Georges, une star de cinéma vieillissante, et Aïssa, une jeune agente de sécurité-, en un ballet de corps que Gérard Depardieu et Déborah Lukumuena (lire aussi le portrait de cette dernière) habitent avec grâce, robustes et sensibles. « La robustesse est pour moi quelque chose de plutôt mental, relève la réalisatrice. Bien sûr, il y a cette référence au corps, mais il y a aussi tout un jeu sur la fragilité et la force. Comment lui, ayant traversé une vie entière de péripéties et d’obstacles, est encore là avec cette passion et ce goût pour le jeu. Et comment elle, cette robustesse qu’elle a développée à travers un sport, la lutte, et à travers son activité de garde du corps, ne va pas forcément avec une robustesse face à la vie. » La suite évoluant au gré d’un scénario écrit, raconte-t-elle, en pensant aussi bien à Déborah Lukumuena, qu’avait révélée Divines, qu’à Gérard Depardieu: « Pour moi, c’était un film qui racontait autant la rencontre entre ces deux acteurs qu’entre ces deux personnages. J’avais envie de filmer ces deux corps, et cette rencontre-là. Ce que je trouvais hyper intéressant, avec Gérard et Déborah, c’est qu’ils ont tous les deux un corps très massif et en même temps très gracieux. Ils ont tous les deux de la féminité et de la masculinité, voire de l’enfance en eux. Et ça, c’est quelque chose qui me tient à coeur. Je ne l’anticipe pas forcément dès l’écriture, mais c’est imprégné, même dans les courts métrages que j’ai faits précédemment. »

Constance Meyer:
© Dharamsala

Explorer les contradictions

Gérard Depardieu, la réalisatrice l’avait « pratiqué » avant même de tâter du cinéma, alors qu’elle faisait de l’assistanat au théâtre. Au moment de s’atteler à son court métrage de fin d’études, elle pense au comédien qui accepte de jouer dans Frank-Étienne vers la béatitude aux côtés de Marina Foïs, avant de rempiler pour Rhapsody, son second court. D’un lien de confiance s’étant forgé dans la durée découle donc aujourd’hui Robuste, dont on serait tenté d’écrire qu’il s’agit autant d’un film avec que sur Gérard Depardieu. « C’est quelqu’un qui, comme vous le savez, a une personnalité très forte, avec aussi des contradictions que je trouve très inspirantes, puisque je fais du cinéma pour explorer les contradictions ou, en tout cas, essayer de cerner l’humanité des gens. » L’acteur s’y montre particulièrement convaincant sous ses différentes facettes, qu’il laisse généreusement filtrer sa vulnérabilité ou qu’il s’affiche en comédien ronchon ne se pliant qu’avec mauvaise grâce aux exigences d’un film en costumes. Mise en abyme valant à Robuste des moments hautement savoureux: « J’aime écrire des films qui flirtent avec le drame et la comédie, où il y a à la fois de la mélancolie et de l’humour. »

Constance Meyer:
© Dharamsala

Mais si le film fonctionne, c’est aussi parce que, s’agissant encore de l’histoire d’une rencontre, Gérard Depardieu, tout « monstre sacré » qu’il soit, trouve en Déborah Lukumuena une partenaire ayant incontestablement du répondant -ce n’est pas pour rien qu’en plus d’être une agente de sécurité, Constance Meyer a fait d’elle une lutteuse. « Je dis souvent qu’on n’a pas vraiment le temps, sur le tournage, de travailler quoi que ce soit. Donc, je les ai fait se rencontrer six mois avant le début, et je n’ai pas fait grand-chose, si ce n’est de les laisser être comme ils étaient ensemble, de prendre un peu la température qu’il y avait entre eux, et de garder très précieusement cette petite tension de deux acteurs qui ne se connaissent pas encore complètement, qui va très bien en fait avec ces deux personnages qui se rencontrent. » Tout au plus, précise-t-elle, si elle a davantage encadré la comédienne, vu son expérience moindre, mais aussi parce qu’elle est en définitive le moteur du film: « Déborah, elle a ce truc où elle est très à l’aise, elle n’avait pas si peur. Quelque chose s’est passé de manière assez fluide, sans que j’aie eu vraiment à travailler. J’avais le sentiment qu’ils avaient confiance, et la confiance avec les comédiens est, pour moi, le fondement de tout. » Elle transparaît aussi à l’écran, où leur rencontre se déploie suivant une chorégraphie singulière, enregistrant lumineusement le mouvement des corps et les oscillations de l’âme…

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