APRÈS AVOIR RECHERCHÉ ET TOUCHÉ DU DOIGT LE SUCCÈS MAINSTREAM, FOALS REVIENT À DES CONSIDÉRATIONS ROCK PLUS DIRECTES AVEC LE NOUVEAU WHAT WENT DOWN.

Début juin. Yannis Philippakis peut enfin souffler. « On est quel jour? Mardi? Le disque a été entièrement bouclé -mix, pochette… – jeudi dernier. Depuis, je suis un peu dans le coton. Je croyais être bien. Mais le lendemain matin, je me suis écroulé. Mon corps a lâché. Je suis resté au lit pendant quatre jours… » Une conséquence logique: dès le départ, What Went Down, 4e album de Foals sorti cette semaine, s’est donné pour mission de tracer, à toute berzingue, en jouant avec l’urgence, les délais resserrés…

A ce stade de ce qui ressemble de plus en plus à une carrière, la démarche tient probablement du réflexe de survie. Après deux disques qui tournaient autour de l’idée de rock indépendant, et de ce que cela peut encore représenter aujourd’hui, le groupe d’Oxford a sorti en 2013 l’album Holy Fire. Un disque dont la pompe ne cachait pas son envie de convaincre le plus grand nombre, programmé pour cartonner et faire définitivement passer Foals en première division du rock. Ce qui fut fait. Les choses ne sont cependant jamais aussi simples qu’elles en ont l’air. Surtout pour un esprit aussi agité que celui de Philippakis, chanteur/leader du groupe. « Holy Fire nous a ouvert pas mal de portes et nous a emmenés dans un tas de nouveaux endroits. C’était le but. Foals a toujours eu de l’ambition: on veut faire de la pop, connecter avec un maximum de gens. Mais en même temps, c’est aussi quelque chose que l’on craint par-dessus tout. En fait, le groupe a toujours été ce monstre bipolaire, en équilibre sur le fil de ses paradoxes et contradictions. C’est comme une danse avec le diable. C’est compliqué. Mais c’est aussi cette tension qui fait la beauté du projet. »

Sous tension

Pour What Went Down, le groupe a donc voulu redonner un coup de balancier. Après l’ouverture revendiquée par Holy Fire et la longue tournée qui a suivi, Foals est directement retourné au turbin. « Généralement, on prend une pause pour un peu recharger les accus avant de rentrer en studio. Mais là, en sortant de scène le dernier soir, j’avais encore faim. J’étais même prêt à continuer. Du coup, on a décidé d’enchaîner: une semaine plus tard, on se retrouvait déjà pour composer. » L’idée? Profiter de l’élan créatif, surfer sur la vague. Et surtout ne pas gamberger. « On voulait que cela reste frais. Sur l’album précédent, nous n’avions pas de deadline. On a pu passer des mois en studio. Le problème, c’est qu’à la fin, le processus est devenu vraiment laborieux. Vous pouvez presque l’entendre sur le résultat final: les morceaux ont été sur-travaillés, il y a souvent trop de couches… On a voulu éviter ça, retrouver une certaine immédiateté. Le fait d’avoir du temps n’est pas gage de qualité. Pas automatiquement en tout cas. Cette fois, il y avait clairement l’envie de quelque chose de plus direct, qui soit comme des taches de peinture jetées violemment sur la toile. » Même pour les paroles, l’approche fut la plus spontanée possible, assure Philippakis. Présentés comme à la fois plus « codés » et plus « personnels » que ceux d’Holy Fire, les textes ont été en partie pondus au pied du lit, dans un état de demi-sommeil. Où il est ainsi moins question de confesser des idées et des sentiments que de capter des sensations, « comme si les chansons contenaient mon odeur »

A vrai dire, cette lutte entre sophistication et brutalité a toujours fait partie de Foals. On fait d’ailleurs remarquer à Philippakis que c’était déjà ce qui le taraudait quand il envoya balader son premier groupe The Edmund Fitzgerald, jugé trop sérieux et cérébral. « Hmmm, oui, vous avez peut-être raison. En général, chez Foals, le risque est de sur-réfléchir, voire d’intellectualiser les choses. Et non l’inverse. L’une de mes grandes batailles intérieures est de tuer le flic qui j’ai dans ma tête, et qui veut me recadrer sans cesse. »

Sur What Went Down, Foals lâche donc à nouveau les chevaux. C’est le cas des morceaux Snake Oil, Night Swimmers ou surtout du premier single, qui donne aussi son titre à l’album, charge bombastic et tempétueuse, vrombissant sous la fougue de guitares. Des dix titres retenus au final, il est d’ailleurs le meilleur exemple d’une tension électrique qui avait été partiellement gommée sur l’effort précédent. « J’apprécie aujourd’hui d’autant plus Holy Fire qu’il y a désormais What Went Down, pour contrebalancer. Si l’on était repartis dans le même esprit, je me serais probablement dit qu’on allait vers les problèmes, que c’était le début de la fin. »

Foals n’en est pas encore là. On pourra toujours estimer que sa soif de séduire lui joue encore des tours, emporté par un son toujours conquérant. Pour l’essentiel, What Went Down retrouve toutefois des aspérités et une vista assez réjouissantes. Les Anglais auraient ainsi trouvé le bon équilibre? Pas sûr. Et, pour être clair, c’est plutôt une bonne nouvelle: il reste à explorer. « Ma plus grande peur est de devenir rasoir… Il y a des avantages au fait de grandir, de prendre de l’âge: avec le temps, les choses vous pénètrent souvent plus facilement -ce qui vous rend plus vulnérable, et vous permet aussi de trouver pas mal d’inspiration. Mais il y a une autre partie à ce processus, plus ennuyeuse, où le risque est de devenir mou et chiant. Personnellement, je pourrais facilement passer mon temps à m’empiffrer de baklavas devant la télé, par exemple. Je vois ça aussi chez d’autres. Pas chez tout le monde. Mais il faut faire gaffe. »

FOALS, WHAT WENT DOWN, DISTRIBUÉ PAR WARNER.

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