PROFONDÉMENT MARQUÉ PAR UN SÉJOUR DE TAYLOR KIRK À LAUREL CANYON ET UN ACCÈS LIMITÉ AU NATIONAL MUSIC CENTRE DE CALGARY, HOT DREAMS VA JUSQU’À POSTER TIMBER TIMBRE SUR LES TRACES DES TINDERSTICKS. LONG COURRIER.

Dans les rues d’Austin et le tumulte de South By Southwest, Taylor Kirk et Simon Trottier cherchent non sans difficulté un petit coin au soleil où se poser pour tailler la causette. La situation, tout ce qu’il y a de plus banale, a quelque chose de presque symbolique dans le cas de Timber Timbre. « Avec Hot Dreams, notre nouvel album, nous voulions nous éloigner de thèmes qui pouvaient être considérés comme sombres, effrayants, sinistres et qui dans le fond donnaient une image un peu faussée du groupe, raconte le premier. Je ne ressentais plus l’envie ni le besoin de chanter ces choses menaçantes voire dangereuses. C’était, je pense, un subterfuge que j’utilisais pour me cacher. Marquer une certaine distance et me sentir moins vulnérable en tant qu’interprète et même qu’auteur. »

Il le concède lui-même: le crooner de l’étrange, fils spirituel indie et un peu weirdo de Leonard Cohen, a changé. Plus relax, moins control freak. Initialement projet d’un seul homme -« j’ai longtemps perçu la musique comme une expérience solitaire« -, Timber Timbre est devenu au fil des années un vrai groupe. Avec son âme, sa propre dynamique. Kirk a d’ailleurs établi avec ses amis les quelques grandes lignes directrices définissant l’instrumentation et la manière technique qui présideraient à l’exécution de son disque. « Nous voulions de l’espace, quelque chose d’assez simple. Mais finalement, Hot Dreams est tout le contraire: luxuriant et compliqué. »

Cette sophistication presque expérimentale, à la fois évidente et subtile, flippante parfois aussi, les Canadiens la doivent surtout au National Music Centre de Calgary. « Il abrite une collection tout bonnement hallucinante d’instruments. Des instruments fabuleux et extrêmement rares que vous pouvez utiliser à certaines conditions. Vous y tombez sur un piano du XVIIIe siècle, quelques-uns des premiers claviers… Mais c’est un musée avant tout. L’idée est d’abord de préserver ces objets de musique. D’assurer leur pérennité. »

Le temps au NMC est d’ailleurs compté. Son équipe répertorie les heures passées par les uns et les autres sur chaque instrument histoire d’assurer une certaine rotation et de ménager autant que faire se peut son matériel historique. « C’est plutôt marrant. Un mec note tout et te surveille chrono en main. « Sur Hot Dreams, les plus mélomanes reconnaîtront un vrai mellotron et, qui sait, un novachord, orgue électrique construit pendant la Seconde Guerre mondiale. « Comme une seconde version de l’Hammond, avec un son très particulier et unique, explique Simon. C’est un instrument rare et massif. Il n’y en aurait plus que six fonctionnels dans le monde. Ce séjour au National Music Centre a vraiment tout changé. Nous sommes entrés dans le monde des claviers. »

Hollywood et sa mythologie

Si le nouvel album de Timber Timbre s’intitule Hot Dreams, il n’est pas pour autant hanté par des rêves fous, torrides, humides et/ou inaccessibles. « Je rêvais beaucoup dans le temps. Mais aujourd’hui, j’oublie mes pensées nocturnes, avoue Kirk. Si tout ne me revient pas au réveil, ça a disparu à jamais. Alors, non, les rêves ne sont pas le terreau de ce disque. Il y est davantage question de fantasme, de nostalgie et de souvenir que de subconscient. » Taylor a été profondément marqué par un séjour sur les hauteurs de Laurel Canyon. Quartier de Los Angeles où furent écrites au milieu des années 60 quelques-unes des plus belles pages d’un folk-rock américain alors approvisionné en substances illicites par un certain Frank Zappa. « J’y ai passé des moments magnifiques. Je me suis laissé entraîner par cet endroit, ces paysages, ce lieu exotique et rêveur. J’ai pensé à sa mythologie. A Hollywood. Au rêve américain. Je n’y cherchais rien. Je voulais plutôt m’échapper, en fait. Et c’était un endroit assez chaud où se cacher. » Kirk a lu quelques bouquins sur son histoire comme Hollywood Babylone, le livre du cinéaste Kenneth Anger qui révèle la face cachée des célébrités de Tinseltown. « Je me suis intéressé au Golden Age des excès. A Roman Polanski. Toutes ces choses affreuses et intrigantes. Puis, Laurel Canyon faisait écho à cette musique que j’ai tant aimée. Qui n’est peut-être plus aussi importante pour moi aujourd’hui, mais qui a joué sur ma façon de percevoir le rock. Je pense aux albums de Neil Young, de Joni Mitchell, des Doors. »

Des films et leur musique ont aussi agité l’esprit de Kirk et de ses comparses. « De manière très directe, à vrai dire. Grand Canyon a été influencé par la BO signée Jack Nitzsche de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et Resurrection Drive par Chinatown. Il y a un peu de Taxi Driver aussi. Il s’agit parfois d’un arrangement de cordes. Ou juste d’une sensation. Je ne regarde plus autant de films qu’avant, je ne suis plus très excité par le cinéma contemporain. Quand tu vois les premières sur Sunset Boulevard aujourd’hui, c’est juste merde sur merde, soir après soir. Mais tout ça m’a rappelé combien j’étais cinéphile. Il est fort agréable de se replonger dans l’adolescence. D’où cette idée de « hot dreams ». C’est moins bizarre que « nocturnal emission », non? » Faites de beaux rêves.

LE 03/04 AU BOTANIQUE (COMPLET).

TEXTE Julien Broquet, À Austin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content