LE CRITIQUE ET HISTORIEN TAG GALLAGHER LIVRE UNE ANALYSE PASSIONNANTE DE LA FILMOGRAPHIE DE JOHN FORD, FAISANT PAR AILLEURS LE RÉCIT D’UNE VIE À HOLLYWOOD.

John Ford. L’homme et ses films

DE TAG GALLAGHER, ÉDITIONS CAPRICCI, TRADUIT DE L’ANGLAIS (USA) PAR JEAN-PIERRE COURSODON, PAULINE SOULAT ET SIMONE SUCHET, 186 PAGES.

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L’oeuvre de John Ford est inépuisable, et la vie de l’homme, l’un des plus grands cinéastes américains, guère moins. Quelques années après la monumentale biographie que lui consacrait Joseph McBride(1) paraît donc ces jours-ci, à la faveur de la rétrospective organisée par la Cinémathèque française, un autre ouvrage de référence, dû à l’historien et critique Tag Gallagher celui-ci. Sobrement intitulé John Ford. L’homme et ses films, ce précieux volume entreprend l’analyse complète d’une filmographie courant de The Tornado, en 1917, à Seven Women (Frontière chinoise), en 1966; étude exhaustive assortie du portrait de l’homme, plus complexe que ne le laissent entendre les clichés généralement colportés à son égard.

Torchons et serviettes

Respectant la chronologie, Gallagher opère aussi par regroupements, distinguant quatre périodes dans le parcours du réalisateur de L’Homme tranquille: l’âge de l’introspection, courant de 1927 à 1935; celui de l’idéalisme, allant de 1935 à 1947; le temps du mythe, couvrant les années 1948 à 1961, et l’âge de la mortalité, ponctuant l’ensemble de 1962 à 1965. Pertinent, le découpage est aussi propice à appréhender l’oeuvre dans ses lignes de force essentielles, tout en rapportant ses évolutions, thématiques et esthétiques, à un contexte historique changeant.

Une entreprise féconde, nourrie de réflexions souvent brillantes -ainsi, par exemple, du copieux chapitre opposant John Ford et Howard Hawks. Les comparer revient, estime l’auteur, « à mélanger les torchons et les serviettes. On peut classer Hawks dans la catégorie des cinéastes qui valorisent les mots et l’interprétation. Alors que Ford entre dans la catégorie des cinéastes-expressionnistes qui valorisent l’existence et les images. » Au passage, Gallagher décortique la méthode d’un Ford que Darryl F. Zanuck considérait comme « le meilleur réalisateur de l’histoire du cinéma », et notamment son travail avec les acteurs, lui qui donnera à John Wayne, héros fordien par excellence, ce conseil judicieux: « Joue tes rôles de telle sorte que les gens puissent te considérer comme un ami. » Une anecdote parmi cent autres venues rehausser cet ouvrage passionnant, où l’auteur laisse libre cours à ses enthousiasmes dans un style parfois abrupt, dessinant un Ford tout sauf monolithique. Last but not least, il y a là aussi l’invitation pressante à se replonger dans les films, ces Grapes of Wrath, My Darling Clementine, The Searchers ou The Man Who Shot Liberty Valance… qui ont fait de Ford un cinéaste essentiel, dont l’oeuvre déborde l’Histoire et la mythologie américaines…

A LA RECHERCHE DE JOHN FORD, ÉDITIONS ACTES SUD, 2008.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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