HIT POPULAIRE EN NOUVELLE-ZÉLANDE, THE DARK HORSE, DEUXIÈME LONG MÉTRAGE DE JAMES NAPIER ROBERTSON, CONVOQUE LA DIMENSION MYTHOLOGIQUE DU JEU D’ÉCHECS POUR MIEUX ARRACHER SES PERSONNAGESÀ LA MISÈRE DELEUR QUOTIDIEN.

« Avec le succès de The Dark Horse mais aussi celui de What We Do in the Shadows, de The Last Saint ou même de The Dead Lands, certains observateurs parlent déjà de ces derniers mois comme d’un âge d’or du 7e art néo-zélandais. Jamais notre cinéma n’avait connu pareille émulation, ni pareille réussite au box-office. C’est encore difficile à analyser mais il est clairement en train de se passer quelque chose de spécial (sourire). »

Janvier 2015. La tournée promotionnelle de son deuxième long métrage amène James Napier Robertson à Tournai, où The Dark Horse fait l’ouverture du festival Ramdam. Ancien acteur de théâtre reconverti dans la réalisation -« J’étais un acteur insatisfait, je voulais avoir le contrôle, être présent du début à la fin du processus créatif; je suis désormais un scénariste et cinéaste comblé« -, le jeune natif de Wellington, 33 ans à peine, est le nouveau prophète en son pays, où son film a raflé tous les Awards majeurs de 2014.

Drame social arborant le sticker « inspiré d’une histoire vraie« , The Dark Horse raconte l’histoire peu banale de Genesis Potini, joueur d’échecs surdoué d’origine maorie que sa lutte contre un trouble bipolaire a notamment conduit à la tête d’un club d’échecs pour gosses défavorisés dans la ville de Gisborne, au nord-est de la Nouvelle-Zélande. « Il existe un documentaire sur lui, tourné il y a une douzaine d’années. Quand je suis tombé dessus, j’ai immédiatement compris que je tenais le sujet de mon nouveau film. J’ai trouvé Genesis tellement inspirant, parce que complexe, plein de contradictions, de toutes ces choses qui rendent un personnage fascinant à l’écran. Je l’ai donc contacté. Ça devait être en 2010, soit un an avant sa mort. Il se trouve qu’il avait déjà été approché par d’autres, mais il m’a désigné comme celui qui était le plus à même de raconter son histoire. C’est amusant parce qu’il m’a dit qu’il aimait mon précédent film, mais il s’avère qu’il l’avait regardé en avance rapide (rires). Bref, on s’est bien entendus, et on a commencé à traîner ensemble. Je joue moi-même aux échecs depuis que je suis gamin, et le fait que je sois capable de m’asseoir en face de lui et de perdre une partie avec un minimum de panache (sourire) l’a conforté dans son choix, parce que les échecs étaient pour lui comme une religion. »

Profession de foi

Parfois complaisant dans sa représentation de la misère et de la maladie, le film tire intelligemment parti de cet attachement quasi mystique au jeu, l’échiquier pas forcément sexy autour duquel se cristallise le récit atteignant devant la caméra de James Napier Robertson une dimension métaphorique, voire carrément mythologique, très forte. « Je ne suis pas croyant, au sens religieux du terme. Mais je crois à l’optimisme, et quand vous êtes optimiste, que vous projetez de l’espoir sur le chaos qui vous entoure, je crois que quelque part c’est que vous avez un certain sens de la spiritualité. Je pense sincèrement qu’un film a ce pouvoir de donner envie de croire à des choses, d’espérer. Dans mes bons jours, c’est en tout cas ce à quoi j’aspire (sourire). »

Chez le cinéaste, l’optimisme, loin d’être béat, n’empêche pas une certaine radicalité d’approche. Ainsi les jeunes acteurs du film, quasiment tous non-professionnels, ne connaissaient pas les vrais noms de leurs partenaires de jeu, et étaient tenus de rester dans leur personnage durant l’entièreté du tournage. Quant à Cliff Curtis, vedette néo-zélandaise vue chez Jane Campion, Scorsese ou Danny Boyle, il lui a explicitement été demandé de se convertir à la Méthode, cette technique de jeu naturaliste consistant à devenir le personnage. « J’ai eu le sentiment qu’il fallait le pousser très loin pour rendre justice à ce rôle. Concrètement, il a donc commencé à manger énormément, pour prendre quasiment 30 kilos, et s’est peu à peu effacé au profit du personnage, ses vêtements, sa manière de parler. Même son entourage a fini par s’adresser à lui comme s’il était Genesis. Si bien qu’au moment de commencer à tourner, il était pleinement le personnage. C’est un processus assez extrême mais, au bout du compte, c’est ce qui lui a permis de choper toutes les subtilités du rôle. Bon, sa femme a quand même fini par m’en vouloir un peu: il en était arrivé à errer dehors toute la nuit sans plus rentrer dormir à la maison. »

RENCONTRE Nicolas Clément

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