Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

PASSÉ DE LA RUE À LA CRÉATION DE SCULPTURES SOPHISTIQUÉES, FRÉDÉRIC PLATÉUS PART À L’ASSAUT DU MAC’S.

Extravagant Traveler

FRÉDÉRIC PLATÉUS, MAC’S, SITE DU GRAND-HORNU, 82, RUE SAINTE-LOUISE, À 7301 HORNU. DU 09/02 AU 04/05.

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Le MAC’s consacre une exposition à Frédéric Platéus, artiste belge autodidacte né en 1976 dont le travail trace un chemin peu fréquenté. L’événement mérite que l’on s’y intéresse en ce qu’il est emblématique de la reconversion qui arrive tôt au tard -mais quasi inévitablement- des signatures ayant balafré l’espace urbain. « Recto », c’est sous ce pseudo que le Liégeois a sévi au début des années 90. Avant de passer à autre chose quelque dix années plus tard. Pas la peine de balancer les habituels poncifs autour de la figure du « sell out » -ce traître à la cause urbaine-, ni de donner dans le registre de l’accession à la « maturité artistique » ou autres niaiseries du genre… Il s’agit plutôt du mouvement naturel qu’une conscience entretient avec son travail. Soit le produire, l’examiner, le repenser et le réorienter. Des murs de la ville, Platéus est passé « à la création de sculptures sophistiquées, designées, brillantes et lisses« . Comme cela a déjà été écrit avec pas mal d’à-propos, on peut dire qu’il « extirpe le geste marginal du tag de ses origines contestataires pour le figer en un objet manufacturé, bâti de néons, de miroirs ou de surface en plastique poli« . Ce passage à la troisième dimension fait sens dans la mesure où le graffiti a inscrit en lui, à coup d’effets de bombe, le besoin de s’échapper du support qui le tient en laisse.

Finish Fetish

Outre l’art urbain, la démarche générale s’inscrit ici au croisement de deux influences majeures. La première est une fascination pour les sciences exactes -conquête spatiale mais également géométrie. La seconde est à chercher du côté d’un mouvement artistique qui a vu le jour sur la côte ouest des États-Unis, à la fin des années 60: le Finish Fetish. Le critique Pedro Morais le définit comme une mouvance ayant poussé une série de créateurs -Larry Bell, John McCracken ou Ken Price…- « à créer des sculptures influencées par la culture automobile, mais aussi par la pratique du surf et l’intérêt porté sur l’industrie nautique ou aérospatiale« . Le tout pour une situation qui est « celle d’une ville, Los Angeles, où l’industrialisation progressive a paradoxalement amené les artistes à reproduire, de façon artisanale, l’apparence usinée de leurs sculptures, utilisant des matériaux comme le plastique, le plexiglas, ou la résine polyester« . Une définition qui va comme un gant à Extravagant Traveler, projet -et clou du spectacle- dont l’esthétique flamboyante témoigne du magnétisme du carénage -également à l’oeuvre dans le tuning, succédané trop souvent mésestimé. Cet engin supersonique et rutilant -un rappel du goût pour le show off de la culture hip hop- se donne dans un intéressant dispositif contrastant totalement avec ses contours, à savoir celui d’une remorque assez triviale qui tient lieu de socle mais également d’accessoire indispensable à son acheminement. Pour mieux comprendre, l’exposition fait place à trois films qui dissèquent la dynamique de cette oeuvre d’art « destinée à voyager et à impressionner le plus grand nombre« .

WWW.MAC-S.BE

MICHEL VERLINDEN

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