LES QUATREROTTERDAMOIS DE RATS ON RAFTS DÉBARQUENT AVEC LEUR POST-PUNK FIÉVREUX À ANVERS, EN PREMIÈRE PARTIE DE MISSION OF BURMA. KAAS PRODUCT…

La presse parisienne faisait jadis de Justine Henin la plus française des Belges. Un moyen habile, sans trop se fouler, de gagner un petit bout de Roland-Garros. On aimerait bien prétendre que les Rats on Rafts sont flamands mais s’ils habitent non loin de la frontière belgo-hollandaise, les quatre (post)-punks nous viennent de Rotterdam. Rotterdam. Un club de foot au glorieux passé. L’un des plus grands ports du monde. Une architecture moderne et innovante. Rotterdam, le coeur industriel d’une Hollande menacée par la montée des eaux. « Rock’n’roll, la voisine d’Anvers?On n’y trouve pas beaucoup de salles de concerts, tempère David Fagan, le chanteur et guitariste des Rats. Elle ne possède pas non plus de festival particulièrement excitant. C’est la deuxième plus grande ville du pays mais peu de groupes s’y arrêtent. Alors qu’Utrecht, qui est vraiment merdique et ennuyeuse, tout le monde semble maintenant la mettre sur son itinéraire. » C’est d’ailleurs là, en novembre, dans le gigantesque complexe culturel Tivoli, tout de verre vêtu, que lui et deux de ses trois disciples se sont arrêtés pour tailler la causette.

« Allez. Regarde ce bâtiment. C’est ridicule. Tu vois son immensité, tout l’espace perdu? C’est l’un des problèmes des Pays-Bas, ces bâtisses qui se ressemblent toutes. Mêmes façades, mêmes portes, mêmes toilettes, mêmes loges. Ce Tivoli n’a aucun caractère. Rotterdam n’en manque pas mais ce n’est définitivement pas évident d’y faire son trou en tant que groupe. »

Il est déjà compliqué, de manière générale, de sortir des Pays-Bas. « Il y a pourtant de très chouettes projets comme The Homesick, relève le guitariste Arnoud Verheul. J’espère qu’un jour les gens réaliseront que n’importe qui peut faire de la bonne musique. Peu importe d’où on vient. Les Etats-Unis et l’Angleterre ont une telle histoire musicale qu’on leur accorde d’office du crédit. Tout le monde chante en anglais, écoute des groupes ricains et britanniques. Mais il y a aussi de bonnes choses chez nous et en Allemagne. » « On est un pays tellement petit et isolé culturellement que tout le monde se fout de ce qu’il s’y passe, reprend Fagan. C’est ce qui explique que tout prend un peu plus de temps qu’ailleurs. »

Cela fait onze ans maintenant que les deux hommes ont branché les guitares. Working class ethic… « On voulait créer un groupe mais on ne savait pas vraiment quoi faire parce qu’aucun d’entre nous ne savait jouer de quoi que ce soit. On a donc bossé pendant des années jusqu’à trouver. » Au départ, les Rats rongent l’os grunge, gratouillent du côté des Sex Pistols, des Ramones et The Clash, puis de The Cure et The Fall… Ils assurent des premières parties. Ils ouvrent notamment pour le regretté et cultissime Jay Reatard. « Il ne nous a jamais dit qu’il aimait notre groupe mais il laissait clairement sous-entendre qu’on était là grâce à lui. Un compliment dans sa bouche même si on était horribles à l’époque. On a entendu pas mal d’anecdotes sur son mauvais caractère, qui se reflétait dans sa musique d’ailleurs. Mais il a toujours été sympa avec nous. On était jeunes et timides. On devait avoir 18 ans. Il nous a inspirés de par l’énergie qu’il donnait à ses concerts. C’est l’un des premiers trucs que j’ai aimé et qui n’existait pas depuis déjà dix ou quinze ans. Thee Oh Sees est super sur scène mais leurs disques m’ennuient. Je me souviens qu’à un moment, Reatard avait décidé de ne plus boire. Il passait son temps sur son laptop, le frigo rempli de smoothies. »

Fuck them…

Lancé par Sleep Little Child, une plongée tournoyante dans son univers post-punk, Tape Hiss, le deuxième album des Rats on Rafts, a été enregistré sur bandes dans une vieille cave de Rotterdam. Nerveux, rampant, il fait de l’oeil à Fire Engines, The Fall, Wire, Gang of Four… « On bosse avec le même mec depuis cinq ans. C’est aussi notre ingénieur du son en tournée et notre chauffeur… La face B a été enregistrée d’une traite, en live, mais on a mixé les titres séparément. Le type qui a coupé les bandes a réalisé un boulot fabuleux. »

Le guitariste des Rats aussi mérite les félicitations du jury. C’est lui qui en a conçu la pochette. « Elle a été dessinée à la main. Plusieurs thèmes de l’album sont représentés. Ne serait-ce que les titres des chansons: Zebradelic, Machine, Last Day on Earth… »

« L’identité du disque est plus sonore que thématique, reprend Fagan. Ce n’est pas un album-concept. Il est même plutôt né de l’improvisation. Disons que les chansons partagent un même sens de l’humour. Ce sont elles qui me dictent ce qu’elles racontent. Un morceau comme Composition vient d’Internet. D’un essai sur le consumérisme. Là où Seaside Tape Hiss parle majoritairement de Blackpool. Je n’y ai jamais été mais je lisais à son sujet et j’ai imaginé ce que c’était de s’y trouver. J’ai regardé des vidéos de la ville. Certaines paroles sont même des commentaires YouTube. Plein de gens semblent convaincus que c’est le trou du cul du monde. »

Le monde, les membres de Rats on Rafts commencent seulement à le découvrir. Ils n’ont jamais encore joué aux States. Ils se mettent juste à arpenter l’Europe. Natacha bosse dans un studio de La Haye comme ingénieure du son. Arnoud est dans le graphic design. Et David est disquaire à mi-temps dans un magasin de Delft. Ça ne les a pas empêchés d’enregistrer pour la BBC. « Une session avec Marc Riley, c’est plutôt chouette quand tu es fan de The Fall. Bien plus marrant que sur les stations hollandaises où ils n’ont parfois aucune idée de ce que tu fais. Notre label précédent voulait toujours nous envoyer dans des shows matinaux de grosses chaînes de radio. Elles nous demandaient de l’acoustique et exigeaient au moins une reprise. On aurait dû se montrer honorés et faire tout ce qu’elles attendaient de nous? Fuck them. Toutes les stations commerciales sont merdiques. Elles n’ont aucun respect pour ce que tu es. » Amen.

TAPE HISS, DISTRIBUÉ PAR FIRE RECORDS/KONKURRENT.

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LE 23/04 À HET BOS (ANVERS) AVEC MISSION OF BURMA.

RENCONTRE Julien Broquet, À Utrecht

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