LE 7E ART AIME LES HUIS CLOS FAMILIAUX ET LEUR POTENTIEL DRAMATIQUE EXTRÊME.

L’Economie du couple s’inscrit dans une riche veine de huis clos conjugaux et familiaux, que Joachim Lafosse avait déjà creusée de manière passionnante dans A perdre la raison. A l’origine de cette manière de sous-genre, on trouve évidemment le théâtre. Une pièce fameuse de Jean-Paul Sartre s’intitule simplement Huis clos (« L’Enfer c’est les autres » en est extrait). Et un dramaturge comme August Strindberg en a usé de captivante manière dans une série d’oeuvres illustrant la guerre des sexes et dont les plus géniales sont Le Père, La Danse de mort et Mademoiselle Julie, plusieurs fois transposé au cinéma. LE huis-clos conjugal par excellence, cité en exemple par Lafosse, vient aussi d’une pièce, signée Edward Albee. Who’s Afraid of Virginia Woolf? (1966) plonge un mari, une femme et leurs invités témoins dans une scène de ménage cruelle autant qu’alcoolisée, du pain bénit pour un Richard Burton et une Elizabeth Taylor à la vie commune pas tellement éloignée des éclats du film de Mike Nichols…

De Pasolini à Vinterberg

Huis clos conjugal ou familial rime rarement avec partie de plaisir! Nathalie Baye peut en témoigner, elle qui a presque enchaîné deux crises familiales aiguës, devant la caméra du Belge Antoine Cuypers (Préjudice) en 2015 et cette année devant celle du Québécois Xavier Dolan (Juste la fin du monde), Grand Prix au Festival de Cannes. Dans les deux cas, un fils en rupture de consensus familial est à l’origine du drame. Et dans les deux cas, Baye incarne la mère face au potentiel naufrage… On pouvait aussi voir en compétition à Cannes le Sieranevada du Roumain Cristi Puiu, autre huis clos familial aux accents existentiels grinçants, où des vérités dérangeantes finissent par remonter à la surface. Un peu comme dans le formidable Festen de Thomas Vinterberg en 1998, maître huis clos à dizaines de personnages cadrant de manière implacable le dynamitage en pleine réunion festive d’une famille ayant longtemps tu ses (graves) mensonges. Un jeune visiteur inspirant le désir étant le révélateur de cet autre huis clos familial vénéneux, libérateur et marquant: le génial Théorème de Pier Paolo Pasolini (1968). Le couple Jean-Pierre Bacri-Agnès Jaoui a lui aussi, et avec un humour décapant, filmé une série de confrontations révélatrices dans Cuisine et dépendances (1992) et surtout Un air de famille (1996). 8 femmes de François Ozon (2001) jouant la carte d’une fantaisie mêlée d’émotion. Le comique du Prénom (De La Patellière-Delaporte, 2011), succès surprise du cinéma populaire français, restant nettement plus conventionnel. Comme put l’être en son temps, mais avec tout de même plus de vraie méchanceté, Le Chat adapté de Simenon par Granier-Deferre en 1971, avec le duo/duel Gabin-Signoret en vieux couple aigri…

Que dire des sommets de style et d’émotion atteints par Ingmar Bergman dans son chef-d’oeuvre de huis clos familial autour d’une agonie dans Cris et chuchotements (1972)? Et de la terreur glaçante émanant du terrible Funny Games (1997) de Michael Haneke, où une famille est prise en otage et torturée par des jeunes criminels?

On terminera en évoquant deux petits films peu vus, mais bien dans le ton: Canine de Yorgos Lanthimos (2009), où des parents confinent leurs enfants à l’intérieur des murs d’une villa de banlieue, et Les Secrets de Raja Amari (2010) où une mère et ses deux filles, ex-domestiques vivant dans une maison à l’abandon où elles ont servi, s’y cachent quand un jeune couple vient s’y installer…

L.D.

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