CHRISTOPHE BLAIN, LE DESSINATEUR DE QUAI D’ORSAY (LA BD), EST AUSSI LE SCÉNARISTE DE QUAI D’ORSAY (LE FILM). UNE DOUBLE CASQUETTE QUI A PROLONGÉ L’ÉTAT DE GRÂCE.

Une semaine avant de partir à New York pour travailler sur le scénario du film, Christophe Blain sortait de l’imprimerie avec le « BAT » du 2e volet de Quai d’Orsay, la bande dessinée qu’a voulu immédiatement adapter Bertrand Tavernier. L’occasion de goûter, sans doute pas pour la dernière fois, à cet autre art visuel qu’est le cinéma. L’auteur de Isaac le pirate ou de La Fille se prête donc désormais au jeu des interviews dans les chambres de grands hôtels parisiens, avec affiches dans le dos. Le co-auteur de Quai d’Orsay ne cache rien de son plaisir à avoir travaillé avec Tavernier: il l’imite désormais mieux qu’un Laurent Gerra! Et à foison.

Voilà votre première bande dessinée adaptée au cinéma. Vous auriez parié sur celle-là?

C’était peut-être la plus « facile » à adapter parce qu’elle est contemporaine. Le reste… il y a des bateaux de guerre, un western, des pirates… C’est plus cher. Mais ici, on a été confrontés à un problème de riches: nous avons reçu Abel (Lanzac, scénariste de la BD, ndlr) et moi trois propositions en même temps. Un producteur qui voulait qu’on le fasse nous-mêmes, un autre qui voulait une série télé, et le troisième c’était Bertrand. Et il nous a immédiatement demandé de participer au scénario. Tout fut ensuite très simple et très fluide.

Il s’attaque pourtant ici à une oeuvre d’abord très picturale, portée par vos dessins…

La base, soit le livre, était déjà très cohérente, avec de vraies propositions de mise en scène. Bertrand n’a pas fait de plan d’ensemble, on s’est tout de suite mis dans le film, l’adaptant en le faisant. Et on reste dans le principe de raconter une histoire avec une implication visuelle, même si c’est vrai, on ne raconte pas les mêmes choses de la même manière. Ce sont des détails parfois, comme le nom du pays au centre de l’intrigue: dans le livre, on l’avait baptisé le Lousdem. Un mot qui passe de manière très naturelle quand vous le lisez, mais plus difficile à dire pour un acteur, qui a tendance à avaler le mot. On a donc dû le rebaptiser le Lousdemistan.

Ce fut difficile de voir des visages remplacer vos dessins?

(Il réfléchit, puis répète et insiste) Non. Non. Nous ne nous sommes jamais crispés sur le principe de fidélité absolue. On voulait juste avoir le meilleur film possible. C’est un peu comme… Vous avez des enfants? Eh bien, vous ne vous rappelez plus comment vous viviez avant. C’est un peu la même chose ici. Il y a notre BD, et il y a le film de Tavernier, c’est tout.

Une juste trahison, donc. Parfois, il s’écarte beaucoup du livre, et parfois, il répète votre mise en scène au détail près…

Le personnage de la femme d’Arthur, beaucoup plus présente ici, c’est son idée effectivement. Dès le début il nous a dit: « Alors voilà, il faut un début, un début très, très sexy… » Mais pour les scènes dans la salle de réunion des conseillers, il a parfois repris exactement les mêmes cadrages et découpages que la BD. Parce qu’ils étaient efficaces, et parce que ça l’amusait. « Viens voir Christophe! Montrez à Christophe sur le combo! C’est poilant quand même! » Il a aussi gardé les idées les plus burlesques ou fantaisistes comme les claquements de porte, les coups de vent. Tout ça donne un ton particulier au film, une légèreté, une énergie plus positive. La bande dessinée était plus âpre, plus stressée. Et Bertrand, en soi, c’est un personnage génial. On avait imaginé un moment faire une BD sur le tournage, un « making of » en dessin, mais ça commençait à faire vraiment trop de mises en abyme, ça nous rendait fous. Mon seul plaisir, ç’aurait été de le dessiner, lui.

RENCONTRE Olivier Van Vaerenbergh, À Paris

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