HUMAIN APRÈS TOUT – TRENTE ANS APRÈS, RIDLEY SCOTT RENOUE AVEC LA SCIENCE-FICTION QUI A FAIT SA GLOIRE DANS UN BLOCKBUSTER PLUS CRÂNEUR QU’ABOUTI.

DE RIDLEY SCOTT. AVEC NOOMI RAPACE, MICHAEL FASSBENDER, CHARLIZE THERON. 2 H 04. SORTIE: 30/05.

Dès le générique et l’apparition progressive des lettres du titre, nous sommes en terrain connu: si Prometheus n’est officielle- ment pas le prequel d’ Alien un temps annoncé, son ADN ne ment pas. Son intrigue non plus. L’action démarre ainsi à la fin du XXIe siècle, quand des explorateurs s’aven- turent dans une mission qui les emmène sur une planète où ils espèrent découvrir les secrets de l’origine de l’humanité sur Terre -rien que ça. Sauf que l’accueil fait à leur vaisseau, le bien nommé Prometheus, pourrait bien être un poil moins chaleureux que prévu et que, comme chacun sait, dans l’espace, personne (ou presque) ne vous entend crier… Ni le chef-d’£uvre absolu prédit par les uns ni le nanar honteux craint par les autres, Prometheus voit tout de même Ridley Scott friser le syndrome George Lucas: en revenant aux sources de la mythologie SF qui a fait sa gloire, il démontre essentiellement que, contrairement au bon vin, il vire limite vinaigre au fil des ans, et que, pour reprendre l’argument même du film, il est des bébêtes qu’il vaudrait parfois mieux laisser tranquilles. Surtout que le réalisateur britannique ne semble en définitive jamais savoir sur quel pied danser. Prequel? Spin-off? Remake? Reboot? Nouvelle mythologie à part entière? Prometheus est un peu tout ça à la fois.

Synthèse mainstream du meilleur de son cinéma ( Alien vs. Blade Runner, pour faire court), Prometheus reste ainsi avant tout un blockbuster de son temps. Efficace mais jamais génial. La singularité de la chose étant plutôt à traquer dans les petits détails d’un récit mené tambour battant, qui distillent çà et là une vraie étrangeté, voire ouvrent carrément une brèche philosophico-métaphysique -le film soulève, pêle-mêle, des questions liées à la filiation, à la foi, à la mort. Mais n’est pas Kubrick qui veut, et l’épopée existentielle de virer bientôt au salmigondis peu inspiré d’ésotérisme et d’action. Dont l’esthétique numérique et clinquante jure parfois grossièrement avec celle, poisseuse et crépusculaire, de la saga originelle.

Personnages peu voire pas attachants, dialogues indigents: Scott semble au fond trop occupé à en mettre plein la vue pour insuffler une âme véritable à son film -tout le problème rencontré par les robots peuplant les Alien, donc. Côté casting, si Noomi Rapace convainc en petite s£ur coriace d’Ellen Ripley, c’est bien Michael Fassbender, encore lui, qui tire justement son épingle du jeu: il est parfaitement savoureux en androïde fasciné par Lawrence d’Arabie.

Quête de sens

Conçu pour que le spectateur se fasse littéralement dessus, Prometheus ne fait pas vraiment peur. Un vrai problème pour un film consacrant beaucoup de temps et d’énergie à ménager tension et effets supposés pétrifiants. On se souviendra ceci dit longtemps de cette scène déjà quasi anthologique d’avortement-accouchement par césarienne d’un genre singulier qui emmène (enfin!) le film vers des territoires plus sombres, plus crades, plus viscéraux. Plus humains, tout simplement. Il est certes un peu tard mais le final, éhontément calibré pour une suite qui apparaît désormais inéluctable, résonne en ce sens avec émotion de cette quête de sens éperdue qui n’a cessé d’animer l’Histoire de l’humanité. « Human after all », le film est hélas déjà fini.

Pendant ce temps, à Hollywood, Sir Ridley Scott travaille d’arrache-pied sur Blade Runner 2. Faut-il vraiment s’en réjouir? l

NICOLAS CLÉMENT

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