Profession de voix

Pour son deuxième album, l’Anglaise FKA twigs ne laisse pas tomber ses tics arty maniérés, mais nuance un peu plus son r’n’b déviant. Passionnant.

Dès le départ, FKA twigs a joué non pas le mystère, mais bien l’ambiguïté. En 2014, la pochette de son premier album, LP1, la résumait bien: à la fois plastique et charnel, le visage de la jeune Anglaise ressemblait à celui d’une alien mélancolique, perdue dans le monde fabuleux de la pop. FKA twigs était pourtant bien réelle. Née en 1988, dans le Gloucestershire, Tahliah Barnett de son vrai nom s’est d’abord vue danseuse, avant d’imaginer son propre univers sonore. En l’occurrence, une musique soul oblique, sensuelle et abstraite. Ce faisant, FKA twigs ne participait pas seulement à la grande entreprise de rénovation du r’n’b lancée à ce moment-là, elle confirmait également la réappropriation par les chanteuses pop de leur corps, longtemps corseté par l’industrie, tout en préfigurant les débats actuels sur les frontières entre les genres. Le tout sous un glacis emo arty qui pouvait, légitimement, agacer. Cinq ans plus tard, il n’a d’ailleurs pas disparu. Au contraire.

La première raison de craindre Magdalene est sans doute son titre. Une référence au personnage des Évangiles, qui surferait un peu trop facilement sur le féminisme pop -la dimension religieuse venant y ajouter évidemment un peu de soufre, façon Madonna période Like a Prayer. Il est pourtant moins question ici de ruer dans les brancards que de nuancer. Et accepter. Ces dernières années, la jeune femme a dû encaisser des ruptures amoureuses (aussi douloureuses que médiatiques, avec les acteurs Robert Pattinson et Shia LaBeouf) et des problèmes de santé (des fibromes à l’utérus, qui ont nécessité l’opération). Il a fallu baisser la garde, se résoudre à sa propre fragilité.

Profession de voix

Si sur LP1, FKA twigs se figurait en prédatrice vorace, elle précise donc désormais son propos, en lui donnant d’autres tonalités. De Marie- Madeleine, FKA twigs sollicite évidemment l’image de tentatrice encore largement ancrée dans la culture populaire (pour mieux la dénoncer et la détourner), mais elle en reprend également la dimension plus consolatrice: celle, par exemple, de premier soutien et témoin de la Passion du Christ – » Yes, I heard you needed me/Yes, I’m here to open you« , chante-t-elle sur Mary Magdalene.

Évidemment, FKA twigs ne laisse pas tomber tous ses tics de pythie maniérée pour autant. Coproduit en grande partie par Nicolas Jaar, Magdalene peut parfois paraître inutilement tarabiscoté, forçant le bizarre. En ouverture, Thousand Eyes ressemble par exemple à une chapelle gothique, plongée dans l’obscurité. Au fil du disque, l’Anglaise enrichit cependant son propos, alternant poses coupables ( Home with You) et fulgurances naïves ( Mirrored Heart, Sad Day), s’essayant même, vaguement, au tube pop ( Holy Terrain, avec le rappeur Future). Une manoeuvre aussi intriguante que déstabilisante pour l’auditeur qui ne sait jamais trop si c’est la diva affectée ou l’ingénue instinctive qui chante.

FKA twigs

« Magdalene »

Distribué par Young Turks. En concert le 02/12 au Cirque royal, Bruxelles.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content