Princesse Diana

En 1980, Diana Ross réussit le virage des eighties avec un album simplement intitulé Diana, mais resté mythique. © GETTY IMAGES

En mai 1980, Diana Ross s’émancipait du carcan Motown en sortant son plus gros best-seller, épaulé par Chic. Quarante ans plus tard, Diana et ses tubes en titane n’ont rien perdu de leur pouvoir dansant.

Le mois prochain, le festival de Glastonbury aurait dû fêter son cinquantenaire en grandes pompes. Avant que le Covid-19 ne lui fasse un sort, l’événement pouvait en effet compter à nouveau sur une affiche colossale, mêlant stars internationales du moment (Kendrick Lamar, Taylor Swift) et légendes vivantes. Parmi elles, ni plus ni moins que Paul McCartney et Diana Ross. Soit une sorte de revival de la « bataille » des années 60, quand les Supremes -la machine à tubes de la Motown-, étaient les seules à même de bousculer la Beatlemania dans les hit-parades…

Le remake n’aura donc pas lieu. À défaut, Diana Ross pourra toujours fêter les 40 ans de ce qui s’impose comme l’un de ses albums les plus réussis, et assurément son plus gros best-seller: Diana. Produit par Chic, il reste un disque iconique, charnière dans la carrière de la chanteuse. Boosté par au moins trois tubes insubmersibles – Upside Down, I’m Coming Out et My Old Piano-, il est à la fois un manifeste personnel et une récréation, une pièce emblématique de son époque et le modèle dont sauront s’inspirer les générations suivantes.

Coming out

Fin des années 70, Diana Ross a sans doute fait le plus dur. À commencer par survivre au triomphe des Supremes, le plus grand girl band de tous les temps, formé alors qu’elle est encore au collège, avec Mary Wilson et Florence Ballard. Elle a réussi à laisser derrière elle l’euphorie dorée des sixties et transformer l’essai d’une carrière solo. Elle n’est plus ce « laideron que l’on planquait sur la banquette arrière », selon le très fin Wilson Pickett, mais bien « l’une des plus belle femmes au monde » (le même). Une star noire (la première à co-présenter les Oscars), que l’on croise régulièrement dans les soirées jet-set du Studio 54 ou celles du Jardin, boîte gay hédoniste que Truman Capote a décrite un jour comme « une grosse machine à babeurre ». La chanteuse a également entamé une carrière d’actrice, se glissant notamment dans la peau de Billie Holiday pour Lady Sings the Blues. Dans le même temps, elle peut se contenter d’intituler la plupart de ses disques de son seul nom ( Diana Ross en 1970 et 1976, Ross en 1978 et 1983): définie par la Motown, la marque Diana Ross a cette force-là.

À 35 ans, la chanteuse cherche cependant un nouveau souffle. D’autant que le monde lui-même est en pleine mutation, frappé de plein fouet par la crise. Le virage de l’exubérance sixties au glam seventies n’a pas été trop difficile à négocier. La suite s’annonce plus compliquée. Après The Boss réalisé avec les fidèles Ashford & Simpson, Diana Ross décide alors de faire appel à Nile Rodgers et Bernard Edwards. À la tête de Chic, le binôme a enchaîné les tubes pour eux ( Good Times, Le Freak), et pour les autres ( We Are Family pour Sister Sledge). Diana Ross envie non seulement leur « golden touch », mais également leur liberté et leur (fausse) légèreté.

Princesse Diana

Le duo commence par discuter longuement avec la chanteuse pour bien cerner ses envies. Dans son autobiographie, Nile Rodgers explique: « Je voulais progresser doucement, mais elle s’est ouverte à nous, d’un seul coup. « C’est un tournant dans mon existence , nous a-t-elle confié, et les choses à partir de maintenant vont être radicalement différentes . » » Cet empressement se marque dès le titre d’ouverture Upside Down. Le morceau ne prend pas le temps de faire les présentations et balance directement le groove et le refrain en pleine face. L’élégance naturelle de la chanteuse n’a pas disparu -pour évoquer la sophistication, « nous avons utilisé des mots polysyllabiques un peu complexes, comme « instinctively » ou « respectfully » », explique par exemple Rodgers. Mais Diana Ross se force à briser le carcan vocal dans lequel l’a enfermée le moule Motown. Elle veut chanter de manière plus simple et spontanée, se forçant à se décaler légèrement. À l’instar par exemple du titre Give Up, fièvre disco qui troque la lascivité de son classique Love Hangover de 1976, pour une célébration plus directe et instantanée.

Cet état d’esprit se retrouve jusque dans la pochette noir et blanc, signée Francesco Scavullo. Vêtue d’un jeans troué (emprunté à la top model au destin tragique Gia Carangi) et d’un simple t-shirt blanc, Diana Ross semble sortir de sa douche, loin de son image de diva extravagante. Un an plus tard, elle quittera son label historique, mais déjà elle a la tête ailleurs. Le tube I’m Coming Out est probablement celui qui l’illustre le mieux. Il est à la fois une déclaration d’émancipation personnelle, avant de devenir un hymne de la communauté gay -qui a depuis longtemps fait de Diana Ross une de ses icônes favorites.

L’enregistrement de l’album ne se fera toutefois pas sans heurts. Refroidie par les réserves d’un influent programmateur radio de l’époque, à qui elle avait fait écouter un premier mix, Diana Ross veut faire machine arrière. Au sein de Motown même, le patron Berry Gordy se cabre. Il faut dire que le disco, auquel est associé Chic, est en train de subir un retour de flamme spectaculaire -l’été précédent, à Chicago, un DJ a organisé une Disco Demolition Night, invitant tous ses auditeurs à venir brûler leurs vinyles disco à la mi-temps d’un match de base-ball, l’autodafé tournant rapidement à l’émeute…

Diana sort finalement le 22 mai 1980, remixé par Russ Terrana, ingé son derrière la console Motown depuis la moitié des années 60. Rodgers et Edwards sont effondrés. Ils devront attendre la réédition de 2001 pour que leur version soit disponible sur disque… Cela n’empêchera pas Diana de cartonner dès sa sortie. À l’automne 1980, Upside Down se retrouve n°1 aux États-Unis, tandis que les ventes de l’album s’affolent (plus de 10 millions de copies s’écoulent). Ce qui ne suffit pas à éponger l’amertume de Rodgers et Edwards. D’autant qu’au même moment, un autre titre secoue les charts: pompant allègrement la ligne de basse du Good Times de Chic, Rapper’s Delight de Sugarhill Gang annonce l’avènement d’une toute nouvelle musique. Mais c’est une autre histoire…

Diana Ross, Diana, distribué par Motown.

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