Prendre le maquis

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Dans Elmet, premier roman sous tension, Fiona Mozley confronte une famille marginale du Yorkshire en voie d’autonomie à un propriétaire terrien retors.

À la mort de leur grand-mère Morley, Cathy (15 ans) et Daniel (13 ans) partent vivre avec leur père dans le Yorkshire, sur une propriété qui appartenait à leur mère, cette femme qui après des allées et venues erratiques a un jour disparu, jusque dans les conversations. Vrai colosse gagnant sa vie à force de combats illégaux, John Smythe a octroyé à sa progéniture des enseignements peu conventionnels: plumer des volatiles et tirer à l’arc sont des activités habituelles auxquelles la jeune fille excelle, tandis que son frère, le narrateur, prend soin du foyer. Soucieux toutefois qu’ils ne perdent pas complètement pied, John a confié à Vivien, une voisine et amie, le soin de leur éducation scolaire. Le sensible Daniel, contrairement à sa soeur farouche et endurcie, prend grand plaisir à se plonger dans les livres.

Prendre le maquis

Leur vie en orbite du monde, où leur père inspire crainte ou sentiment redevable, se trouve toutefois menacée le jour où Mr Price, propriétaire terrien tout puissant dans la région pénètre dans leur périmètre intime en sous-entendant que John pourrait avoir tué un de ses meilleurs pigeons. Les deux hommes sont hélas liés par un passif lointain et le plus prospère entend bien mettre l’autre sous son joug.

Piqué au vif par l’accusation, Smythe fera tout pour échapper à la remise dans le cadre et va chercher à organiser un soulèvement avec les autres travailleurs exploités par Price. Mais, alors qu’un dénouement à l’amiable semble possible, les rouages de la violence vont s’enclencher pour de bon.

Il n’est pas anodin que ce roman s’ouvre sur un extrait de Vestiges d’Elmet de Ted Hughes qui nous rappelle qu’il s’agissait du  » dernier royaume celtique indépendant d’Angleterre […] [d’] un sanctuaire pour ceux qui souhaitaient échapper à la loi« . En plaçant son texte derrière un tel seuil historique et littéraire, en allumant la mèche d’une révolte sociale concertée plutôt qu’en se contentant d’un affrontement personnel, Fiona Mozley lui fait prendre une tangente par rapport à d’autres récents récits colorés par le survivalisme. En outre, si Cathy semble forgée du même bois résilient et résistant que la Turtle de My Absolute Darling, c’est davantage de l’extérieur que du noyau familial que vient la menace qui pèse sur elle et la ronge au tréfonds:  » Je suis tout le temps en colère, Danny. Pas toi? » L’autrice anglaise joue un corps-à-corps subtil avec la loi du talion et l’apprentissage de la vie adulte. Demeure l’espoir des lueurs d’un sapin de Noël…jusqu’à calcination.

Elmet

De Fiona Mozley, éditions Joëlle Losfeld, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laetitia Devaux, 240 pages.

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