RÉVÉLÉ IL Y AURA BIENTÔT 20 ANS PAR EL MARIACHI, ROBERT RODRIGUEZ A SUIVI, DEPUIS, UNE VOIE TOUTE PERSONNELLE, DÉMONTRANT QU’À DÉFAUT DE MOYENS, UNE IDÉE POUVAIT SUFFIRE À RÉUSSIR EN MARGE DE HOLLYWOOD.

C’était en 1992: réalisé pour 3 francs, 6 sous, comme l’on disait alors (soit 7000 dollars, montant qui n’en finit pas de laisser rêveur), El Mariachi affolait le festival de Sundance, non sans révéler une forte personnalité, Robert Rodriguez. Si les budgets de ses films se déclinent désormais en millions plutôt qu’en milliers de dollars, rien n’a fondamentalement changé pour le réalisateur au chapeau noir et au rire tonitruant. Dérisoire par rapport à la norme hollywoodienne, le coût de ses films lui permet de (bien) vivre à la lisière des studios, sa filmographie démontrant par ailleurs (n’étaient les juteux Spy Kids à destination des enfants) que, pour autant qu’elle soit bonne, une idée peut servir de fond de commerce quasi exclusif à un cinéaste – Machete, son nouveau film, n’est ainsi qu’une énième déclinaison d’un Mariachi devenu Desperado et même Desperado 2 au terme d’ Une nuit en enfer.

Entre système D et recyclage, il y a donc bel et bien une planète Rodriguez, ce que le principal intéressé est d’ailleurs le premier à reconnaître: « Je n’arrête pas de faire encore et toujours le même film. Parfois, quand il m’arrive de les revoir, je retrouve les mêmes idées d’un film à l’autre, voire les mêmes dia- logues. Pour en sortir, il faut que j’adapte un scénario, comme je l’ai fait pour From Dusk Till Dawn ou Sin City , mais même alors, ces films finissent par me ressembler. «  S’agissant de Machete, l’auto-citation est même revendiquée puisque le film tire son inspiration de la fausse bande-annonce qu’avait réalisée Rodriguez pour le double programme Grindhouse, concocté avec son comparse Tarantino. Placé entre leurs 2 longs métrages respectifs, Planet Terror et Death Proof, le trailer devait se tailler un joli succès, incitant le réalisateur à en faire un long métrage, non sans récupérer, pour la cause, un scénario qu’il avait écrit… au début des années 90.

On en suspecterait de cynisme à moins; Rodriguez a, pour sa part, l’enthousiasme démonstratif, assorti de la mine réjouie du potache à l’heure de sa première blague. Si le gaillard fait du film de série à la chaîne, encore a-t-il le bon goût d’y mettre un certain style: « Un budget limité vous forcera toujours à être plus créatif. Quand on a trop d’argent, trop de temps et trop de matériel, on peut avoir tendance à tergiverser. Je fais mes films à l’instinct. Plus on parvient à créer un environnement où des accidents heureux peuvent se produire, plus le film s’en trouve amélioré. Souvent, le passage de mes films que me disent préférer les spectateurs est le fruit soit d’une erreur, soit d’un bricolage de dernière minute. »

La valeur plutôt que le coût

Son public n’est pas le seul à s’y retrouver, puisque les acteurs prestigieux se bousculent également à sa porte: Salma Hayek, Harvey Keitel ou George Clooney hier; Jessica Alba, Michelle Rodriguez ou De Niro aujourd’hui, le casting de ses films a de quoi faire des envieux. « Si l’on travaille au sein des studios, il faut passer par les agents des comédiens, et automatiquement, on se met à parler contrats. Moi, je leur téléphone pour leur demander si cela les intéresse,je leur envoie un scénario et après, ils vont trouver leur agent pour lui dire qu’ils sont prêts à faire mon film pour rien. C’est une vibration différente, et les agents en sont désormais conscients: ils savent que leurs clients tournent de gros films pour payer les factures, mais aiment aussi se retrouver dans des productions comme celle-ci, où ils vont être beaucoup plus libres de créer. »

De quoi aussi, accessoirement, gonfler la valeur du film -l’une des clés du système d’un réalisateur doublé d’un businessman avisé: « Quand on me questionne sur le budget de mes films, je réponds toujours de moins se préoccuper de leur coût que de ce à quoi ils ressemblent. Avec son casting, Machete vaut sans doute 40 millions de dollars; nous avons dit entre 20 et 25millions au studio, alors qu’il a en fait coûté beaucoup moins -mais sur ça, motus, parce qu’un studio vend un film à concurrence de ce qu’il lui a coûté. Voilà comment on fait un film indépendant: si je vais voir un studio en leur disant que je veux tourner Machete , ils vont me demander le budget nécessaire, et une fois qu’ils me l’auront donné, ne chercheront pas à vendre le film au-delà. Si je le finance moi-même, et que je leur en vends la valeur, ils vont vouloir récupérer leur mise, et le soutiendront beaucoup plus activement. C’est mieux pour le film, et cela profite à tout le monde. » CQFD…

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À VENISE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content