Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

DOCUMENTAIRE DE MARTEN PERSIEL.

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« Le skate n’est pas une forme de protestation. C’est le moyen de garder une part d’enfance, un peu de lumière, quand on ne voit que des visages tristes. Ça, il n’y en avait que trop à l’Est. » A vos magnétoscopes, Arte diffuse dans la nuit de dimanche à lundi une petite merveille de documentaire. Réalisé par Marten Persiel, né en 1974 en Allemagne de l’Ouest, This Ain’t California raconte, comme son sous-titre l’indique, le skate made in RDA. Une bande de jeunes qui s’adonnent dans les années 80 aux joies du skateboard dans les rues déprimées de Magdeburg et sur l’architecture rectiligne et froide de l’Alexanderplatz berlinoise. En guise de fil rouge, le docu plonge dans l’histoire de Denis « Panik » Paracek, un gamin programmé pour devenir un champion de natation, qui s’entraîne entre 30 et 35 heures par semaine sous les ordres d’un père autoritaire et trouve un exutoire sur ces planches à roulettes bricolées à partir de patins et de vieilles chaises d’école en bois.

Jeunesse sous surveillance

A l’occasion de son enterrement en 2011, d’ex-skateurs se remémorent le défunt, talentueuse et magnétique tête brûlée, en même temps qu’une jeunesse sous surveillance. Dès 1985, les archives de la Stasi comprennent des dossiers sur ces individus « issus du milieu non organisé des planchistes à roulettes ». La télé s’inquiète. « Le skateboard engendre l’immoralité, le scepticisme et un individualisme forcené dont notre collectivité socialiste n’a pas besoin. » Faute de pouvoir lui barrer la route, les autorités est-allemandes tenteront de le récupérer, encourageant une pratique sportive patriotique.

Curieux objet mêlant des photos et reportages de l’époque communiste, des montages d’animation et des scènes reconstituées (Panik est interprété par le skateboarder et mannequin Kai Hillebrand) mais basé sur des récits authentiques, This Ain’t California est le portrait non pas de militants contestataires mais d’adolescents en quête d’évasion et de liberté, qui s’éclatent avec des filles dévergondées, foutent le bordel dans la rue, choquent les passants et écoutent du punk, Anne Clark et Alphaville. Le skate n’était pas seulement la chose la plus accessible de la culture américaine, il leur a ouvert et les yeux et les portes de l’ailleurs. « Donnez un truc qui roule à un gosse, plongez-le dans un monde de béton et il aura exactement la même idée. » Keep on rolling…

JULIEN BROQUET

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