LA SAGA INITIALE DE PUBLIC IMAGE LTD, REFORMÉ EN 2009, RESSORT EN 11 CD ORIGINAUX, SANS LE METAL BOX: UNE NO WAVE OÙ ROTTEN DEVENU LYDON GLAPIT DE MISANTHROPIE BOULIMIQUE SUR UN MIX DE DUB ET DE KRAUTROCK. AVANT DE VIRER MAINSTREAM.

Public Image LTD donne ses 2 tout premiers concerts le même soir du 20 décembre 1978 au Théâtre 140 à Bruxelles. Sur foi d’un premier album paru 12 jours auparavant, First Issue, sarcophage tonitruant de dub’n’rock, le public remplit 2 fois la salle. Tout le mythe Sex Pistols -implosés 11 mois plus tôt- encapsule Johnny, toujours perçu comme succédané de l’Antéchrist. L’atmosphère est d’autant plus chaotique que les spectateurs du premier concert sortent du 140 en disant aux suivants tout le mal qu’ils pensent du show. Lydon a chanté la plupart du temps dos tourné au public, alors que Jah Wobble (basse) et Keith Levene (guitare) ne dissimulent même pas une mauvaise humeur mixée de parano. On se souvient de Don Letts (DJ et futur clippeur) en garde du corps improvisé, brandissant une batte de base-ball devant les premiers rangs électrisés. Pas forcément par la musique.

Règlement de compte

Public Image LTD, abrévié en PIL, est créé au printemps 1978 par Rotten/Lydon. Il pêche un vieil ami de sa bande semi délinquante des Four Johns, John Wardle, rebaptisé Jah Wobble pour sa propension à faire gronder ses lignes de basse. Lydon recrute une autre connaissance, Keith Levene, amateur de guitare distordue et de drogues dures. Ce joli trio complété par un batteur canadien, Jim Walker, se lance alors dans un post-rock primal qui engloutit de massives doses de rock allemand bizarroïde -krautrock- sur une rythmique quasi jamaïcaine. Le boucan est profondément original, les passages instrumentaux traités comme des organismes à part, arrosés par le chant de Lydon en maximum harpie. Vitupérations, éructations et complaintes nourrissent des thèmes  » Moi contre le monde ». Le 1er album, First Issue, est un règlement de compte maniaque où Lydon descend la religion ( Religion), l’obscurantisme ( Annalisa), les Sex Pistols ( Public Image), Malcom McLaren et Sid Vicious starisés ( Low Life). Le disque, partiellement fascinant, s’avère presque « pop » si on le compare à Metal Box, séminal successeur paru en novembre 1979, et qui ne fait pas partie de cette réédition (1).

Insectes paranoïaques

A vrai dire, après un 3e disque guère emballant -le live Paris au printemps- et le départ de Wobble et de sa basse panzer, les puristes considèrent que la messe publique est dite. Sur Flowers Of Romance, sorti au printemps 1981, il reste quelques éclairs d’inspiration -comme le chant arabisant sur le titre d’ouverture- mais l’affaire s’avère opaque, noyautée d’interstices rythmiques et instrumentaux qui annoncent, en partie, le futur délire electronica. Les fans initiaux sont confus: PIL fait plus de bruit par sa conduite extra-musicale que par sa finesse post-rock. Faut voir les passages télés de cette époque 1978-1982, où Lydon et les autres se conduisent comme des insectes paranoïaques, chargés de speed et de bière. Ou encore le concert au Ritz new-yorkais en mai 1981, où le groupe improvise derrière un écran: l’audience peu convaincue ruinera salle et scène.

Solo de guitare

La suite des aventures PIL entre 1983 et 1992 est essentiellement le parcours solo de Lydon. Quand K. Levene « vole » les bandes d’un album titré Commercial Zone et les sort à son propre compte, c’est le dernier membre original qui est prestement remercié. Entre la tournante infernale des batteurs, le recrutement de contemporains punky comme Lu Edmonds des Damned ou John McGeoch de Magazine, et les hits occasionnels ( This Is Not A Love Song, Rise), l’ex-pistolet sexuel intègre benoîtement le mainstream rock. Toujours poivré de vocaux colériques et d’asocialité médiatique, mais sans le talent flagrant des Pistols et du PIL 1re formule. Outre un déménagement à Los Angeles dès 1984, l’un des symptômes de ce glissement vers l’acceptation est l’enregistrement d’ Album en 1986. Produit par Bill Laswell, il emploie des musiciens aussi divers que Ginger Baker, Ryuichi Sakamoto, le bassiste de Mahavishnu Orchestra, Jonas Hellborg et Steve Vai. Qui arrose une grande partie du disque de solos bavards et démonstratifs. Un truc que Johnny Rotten aurait -logiquement- haï.

(1) LE PACKAGING INITIAL -3 VINYLES ENFERMÉS DANS UNE BOÎTE DE FILM- ÉTAIT AUSSI INHABITUEL QUE LA MUSIQUE, VROMBISSANTE D’AUDACE.

TEXTE PHILIPPE CORNET

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