APRÈS LES PIAS NITES, LE LABEL BRUXELLOIS CONTINUE DE TRAVAILLER SA MARQUE ET OUVRE SON PIAS CLUB. L’OCCASION D’Y CROISER PIERS FACCINI ET SA FOLK EN APESANTEUR.

Derrière Montmartre, un café-resto bio. A table, l’Europe: français impeccable, reste d’accent english, et élégance transalpine, Piers Faccini affiche la même sérénité que ses disques. Le plus récent, sorti il y a quelques semaines, s’intitule My Wilderness, nouvelle échappée poético-folk aux penchants africains de plus en plus affirmés. « C’est plus simple aujourd’hui. Je me rappelle, pour mon 2e album, JP Plunier (Ben Harper, Jack Johnson, ndlr) voulait presque réduire les éléments venus de la musique africaine. Il avait peur de n’attirer que les fans de world music. Six ans plus tard, les choses ont vachement changé. Un groupe comme Tinariwen cartonne aux Etats-Unis, et attire un public de jeunes rockeurs indie. Cela a commencé avec la série Ethiopiques, Konono, Ali Farka Touré… De la même manière qu’il était branché dans les années 60 d’écouter du Muddy Waters et du Son House, aujourd’hui les mecs courent après Boubacar Traoré, Tinariwen… »

Né en 1970 à Londres, Piers Faccini mélange origines italiennes (son père) et d’Europe de l’Est (sa mère). Ado, ses 2 grands frères le branchent sur les fondamentaux rock: Beatles et surtout Dylan. Mais ce sont les Smiths qui lui font vriller la tête. « On était une bande de mecs, des ados un peu tristes, un peu trop sensibles », rigole-t-il. Aujourd’hui, difficile de trouver dans la musique de Faccini des traces de l’ironie ou du goût pour le commentaire social à la Morrissey. « C’est vrai, je suis pas du tout comme ça. Il y a très peu, voire aucune ironie dans ce que je raconte. Ce n’est pas là que j’ai quelque chose à offrir. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler sur les archétypes. Jouer sur le symbolique mais sans que cela ne devienne lourd. »

Premier amour

Il y a en effet dans le calme apparent des chansons de Faccini une recherche de profondeur, d’épaisseur. Une sorte de clair-obscur faussement serein qui chercherait à creuser les fondamentaux, détachés du temps. Une démarche qui est raccord avec l’autre passion du bonhomme, son premier amour, sa première carrière: la peinture. « Aujourd’hui encore, même si j’ai dû faire davantage de place pour la musique, je me sens d’abord peintre. » Une question d’hérédité certainement. « Ma grand-mère était peintre. Gamin, on se rendait en Italie chaque été, en Toscane. Tous les jours, on allait voir les fresques dans les églises. Je trouvais ça extraordinaire, ces visages, ces histoires peintes sur les murs. Du coup, j’ai commencé à dessiner très tôt. Comme tous les gamins, j’imagine, mais cela me parlait vraiment. Comme beaucoup de jeunes qui se dirigent vers l’artistique, je ressentais à un certain moment le besoin de traduire ce qui m’arrivait émotionnellement, de le digérer, et de le faire sortir. En ce sens, lapeinture a toujours été une démarche très immédiate, très viscérale. C’est peut-être fort, mais quelque part j’ai vraiment l’impression que l’art et la musique m’ont évité de devenir fou. «  Pourquoi? Comment? On n’en saura pas plus – « c’est une autre conversation un peu longue et compliquée »– mais les principes fondamentaux de l’art intérieur de Piers Faccini sont posés. Une folk music aérienne, apaisée, qui fonctionne entre fables ( The Beggar & The Thief) et références religieuses, à l’exemple de Three TimesBetrayed qui se raccroche à l’épisode de la trahison de Pierre, dans le Nouveau Testament. « Avec une chanson pareille, je sais que je joue avec le feu. J’ai une vraie passion pour les musiques dévotionnelles: le chant soufi, le gospel… Mais je n’ai aucun dogme. Dans ce cas-ci, il s’agit d’abord d’une histoire d’amour, avec une structure narrative vraiment géniale. »

Les morceaux de Faccini n’en relèvent pas moins de la démarche « spirituelle », comme une sorte de « musique religieuse pour ceux qui ne croient pas en Dieu ». Où il est moins question de foi que de doutes, d’errements, ou encore de paradoxes. Comme celui d’appeler son récent album, baigné dans une certaine sérénité, My Wilderness, mon « étendue sauvage ». Celle des Cévennes, où il a élu domicile il y a 6 ans, et a enregistré son disque. Ou celle que labourent ses démons intérieurs? « Tous, on passe pas mal de temps à essayer de décrire cette chose trop vaste pour être jamais cernée. C’est ça qui m’intéressait: écrire sur quelque chose qui n’est jamais fixe, toujours en train de s’envoler, de changer. Une chanson comme Strange Is The Man évoque ça de manière frontale… Comment arriver à être bien et accepter que l’on peut être perdu? » Sur la pochette de My Wilderness, le visage de Faccini est ainsi dessiné avec des bouts de cartes topographiques, comme pour composer une sorte de géographie intérieure. « C’est arriver à une forme de libération que d’accepter le fait d’être dans une sorte de désert métaphorique. Au lieu de paniquer, profiter de la situation pour découvrir quelque chose de nouveau partout où je vais. » Où le voyage est plus important que la destination…

u PIERS FACCINI, MY WILDERNESS, TÔT OU TARD/PIAS.

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS, À PARIS

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