Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LE FOMU D’ANVERS CONSACRE UNE EXPOSITION FASCINANTE ET DÉGRAISSÉE À L’OEUVRE DU PHOTOGRAPHE ALLEMAND AUGUST SANDER.

Chefs-d’oeuvre et découvertes

AUGUST SANDER, FOMU, 47, WAALSEKAAI, À 2000 ANVERS.

JUSQU’AU 14/02.

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« Bigger than life. » C’est assurément en termes hollywoodiens que l’on se doit de penser aujourd’hui le travail d’August Sander (1876-1964), photographe allemand considéré comme l’un des pionniers de la photographie documentaire objective. Sander, c’est un monstre, l’un de ces chênes utopistes dont a accouché le XIXe siècle. Un géant qui relève de la catégorie de ces intellectuels -on pense, pour la littérature, à Hugo ou Zola- ayant rêvé d’embrasser toute une époque. Derrière lui, celui qui a commencé sa carrière professionnelle à la mine de San Fernando laisse d’ailleurs un véritable « roman-fleuve » visuel. On pense tout particulièrement à la série Menschen des 20. Jahrhunderts (Hommes du XXe siècle), un travail dont l’ambition était de proposer « un tour d’horizon de l’ordre social dans son ensemble à l’aide d’une centaine de portraits« . Tout naturellement, le FOMU consacre un vaste pan de l’accrochage à ce projet. Une aubaine pour le visiteur, qui peut y découvrir une magnifique illustration du concept sartrien de « mauvaise foi ». Les portraits des différentes catégories socio-professionnelles sont tellement magnétiques qu’ils se passeraient bien de légendes. Ainsi de L’Huissier, personnage affichant à la postérité une poitrine à tout jamais cambrée. Cette pose fière, au menton relevé, est celle qu’affectionnent les mesquins auxquels la vie a permis de se venger sur le compte d’autrui. C’est l’évidence même: cet homme-là joue à l’huissier, il souffre de ne pouvoir l’être davantage. Il en va de même du Pâtissier, animé d’une similaire mécanique posturale. Seuls à échapper à ce puissant déterminisme aux rouages bien huilés, Les Idiots, Les Gens du voyage, Les Révolutionnaires et LesPersécutés exclus du système. Ils sont ceux que le Troisième Reich ne voulait plus voir et offrent une minute de vérité au regard qui les scrute, conférant par la bande une dimension politique au travail de Sander.

Autres perspectives

Outre la très pertinente scénographie qui laisse à chaque image la place nécessaire et ne noie pas le spectateur sous l’abondance, l’exposition Chefs-d’oeuvre et découvertes vaut également en ce qu’elle emmène sur des terrains moins connus du travail de Sander. Outre Hommes du XXe siècle, onze sections thématiques initient à d’autres perspectives qui renforcent l’idée qu’August Sander a voulu étreindre la totalité du champ du réel. Parmi celles-ci, Sardaigne étonne. Les images en résultent du seul voyage entrepris par le photographe au-delà de l’Europe continentale. Leur justesse laisse sans voix. Qu’il s’agisse de Fils de paysan ou d’un paysage culturel, les images rendent compte de ce que pouvait être le quotidien de l’île italienne en 1927 avec une acuité inédite. Il en va de même de Botanique, Cologne -photographiée avant et après la guerre, perspective puissante quant au destin précaire de toute chose ici-bas- ou encore du travail consacré aux Artistes -un hommage appuyé qui laisse penser que l’art était l’horizon évident de l’oeuvre de Sander… avant de devenir son destin.

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MICHEL VERLINDEN

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