Le cinéaste britannique revisite avec brio le film de vengeance dans Katalin Varga, une première ouvre proprement saisissante…

Présenté l’an dernier à la Berlinale, Katalin Varga (critique en page 31), le premier long métrage de Peter Strickland, devait y faire forte impression, figurant d’ailleurs au palmarès au titre de son travail sur le son – peu banal, pour tout dire, et n’étant certes pas étranger à la puissance sensorielle du film. Pour Strickland, né en 1973 à Reading, il s’agissait là d’un aboutissement, au terme d’un parcours quelque peu chahuté. Le cinéma, c’est à 16 ans qu’il décide d’en faire son terrain d’expression privilégié, après la découverte du Eraserhead, de Lynch. Quelques années plus tard, au milieu des années 90, le voilà qui réalise un premier court métrage, Bubblegum, présenté à Berlin, déjà. Un essai sans lendemain, toutefois: « Je voulais continuer à tourner, mais n’avais plus un sou. Je me suis alorslancé dans la musique au sein de Sonic Catering Band, une façon commode d’évacuer ma frustration en créant des paysages sonores, montés à la manière de films. »

Into the wild

Parallèlement à ses activités au sein du groupe expérimental, son horizon cinématographique se dégage en 2001, à la faveur d’un héritage de 30 000 euros, montant qu’il estime suffisant au tournage de son premier film. « Mais il aurait fallu 200 000 euros pour tourner en Roumanie, j’ai donc préféré attendre le moment propice. » Soit 3 ans de plus, avant d’entamer la préproduction de Katalin Varga, un film objectivement fauché, mais porté par une vision singulière. Vision qui a d’ailleurs conduit son auteur dans les Carpates: « Je tenais à une atmosphère gothique, pas nécessairement au sens Dracula, mais avec une dimension de conte de fées. Le paysage est un personnage: je suis un grand fan de Herzog, et sa notion de la nature n’est absolument pas sentimentale, elle est très dure et brutale. On évolue là dans un monde où, jusqu’à un certain point, il n’y a ni justice, ni loi, ce que je voulais toutefois restituer de la façon la plus belle possible. » Manière aussi de déstabiliser le spectateur, Peter Strickland ayant choisi de traiter les thèmes de la vengeance et de la rédemption à contre-courant des clichés.

Le résultat est aussi saisissant que concluant, constat ayant le don de le faire sourire: « La postproduction du film a été un cauchemar, et j’ai failli tout laisser tomber. J’avais perdu toute mon énergie, tout le monde était parti sur d’autres projets, et moi, je me retrouvais seul. Personne ne parle de cela, cela n’a rien de glamour, on préfère parler de Herzog et Kinski et des bagarres dans la jungle, mais la réalité d’un film, c’est le sens absolu d’échec et de désespoir qui vous étreint quand vous rentrez chez vous. Je suis ravi de vous parler, mais il y a un an, tout le monde s’en fichait. C’est la qu’on réalise dans quel monde étrange nous vivons. »

Voire: désormais installé en Hongrie, Strickland y prépare son second long métrage. Interrogé sur la teneur de celui-ci, il nous répondait: « Si Katalin Varga , c’était 60 % d’images et 40 % de son, le prochain, ce sera 70 % de son et 30 % d’images. » A ne pas en croire ses oreilles…

Jean-François Pluijgers

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