Pervers Pepper

© DR

La nouvelle génération jazz s’empare du légendaire Sgt. Pepper des Beatles pour une relecture qui ne manque pas de… sel.

L’art de la reprise est toujours moins évident qu’il n’en a l’air. Il pourrait passer pour une facilité, une paresse, pour artistes en mal d’inspiration -et parfois/souvent, il l’est. Mais dans de nombreux cas, il est surtout question d’acrobatie, de figures d’autant plus libres qu’elles semblent au départ cadenassées. A fortiori quand on s’attaque à des monuments comme les Beatles. Un peu plus de 50 ans après sa sortie (1967), Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, disque clé de la culture populaire du XXe siècle, bénéficie ainsi d’une nouvelle relecture, jazz cette fois.

De fait, le genre a toujours carburé aux reprises de standards. Elles font même partie de son ADN. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le jazz se penche sur l’oeuvre des Beatles, loin de là -de Brad Mehldau reprenant Blackbird à Herbie Hancock s’attaquant à Norvegian Wood, en passant par Wes Montgomery repassant sur Eleanor Rigby. Cette fois, le prestigieux label Verve a rassemblé quelques-uns des noms les plus en vue de la scène jazz montante actuelle -de Makaya McCraven à Sullivan Fortner (vu aux côtés de Cécile McLorin Salvant) en passant par Cameron Graves (clavier chez Kamasi Washington) ou The Juju Exchange- pour les convier autour de l’album le plus psychédélique des Fab Four.

Pervers Pepper

Comment la jeune génération allait-elle s’en emparer? Contacté par le Billboard, l’Anglais Shabaka Hutchings (les projets Sons of Kemet, The Comet Is Coming) explique, par exemple, qu’il n’avait jamais vraiment écouté Sgt. Pepper, avant de participer au projet. Une tare? Dans ce cas-ci, plutôt un avantage. A Day in the Life est ainsi très justement sous-titré Impressions of Pepper: des morceaux originaux, les musiciens invités n’ont souvent gardé que des bribes, s’offrant des libertés qui les ont rendus souvent méconnaissables. C’est la première réussite de l’exercice: il faut souvent un moment avant de retomber sur le nom des chansons de départ.

Ce sont bien ces autorisations prises avec la matière de base qui rendent l’exercice jubilatoire. Oubliant toute frime, esquivant tout effets de démonstration, les intervenants transforment des titres aussi balisés que Lucy in the Sky with Diamonds en nouvel espace de jeu -la version aérienne et rêveuse imaginée par Makaya McCraven. Pour With a Little Help from My Friends, Mary Halvorson s’est basée sur ses souvenirs du morceau pour tordre sa guitare, et mimer la voix de Ringo Starr, pour le coup encore plus dodelinante et joyeusement dissonante. De son côté, le groupe Wildflower surprend également en tressant un groove orientalisant à Getting Better. On aurait pu encore croire que la harpiste Brandee Younger allait prendre en charge She’s Leaving Home, tout en cordes. Au lieu de ça, elle déconstruit et transforme la miniature pop de Being for the Benefit of Mr. Kite! en une longue ballade étourdie, entre cuivres et flûte azurée.

À la fois hommage et photographie d’une nouvelle génération jazz aussi décomplexée que passionnante, Impressions of Pepper se veut donc autant re-création que récréation. C’est ce qui fait tout son charme.

Divers

« A Day in the Life: Impressions of Pepper »

Distribué par Verve.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content