Permafrost

Dans ce premier roman mordant sous forme de confession sans destinataire, Eva Baltasar donne une voix radicale et une épaisseur singulière à une narratrice lesbienne barcelonaise qui, en porte-à-faux avec sa soeur et sa mère qui embrassent la norme (mariage, enfants, félicité…et médicaments pour masquer les débordements), préfère vivre à l’extrême limite, fomentant son suicide prochain. Jeune diplômée des Beaux-Arts, « [son] corps est une antenne parabolique affamée de danger« , elle multiplie autant les aventures sans avenir que les bris de coeurs, tout en reconnaissant que le sexe avec les femmes, c’est comme creuser les six mètres manquants du tunnel dans La Grande Évasion. Ses instants de doute et ses micro-élans spontanés sont autant de fissures qui apparaissent dans son permafrost, sa couche d’isolation de la société. Lorsque sa tante veut récupérer son appartement et qu’une ancienne colocataire serbe lui suggère de devenir fille au pair -une excellente occasion de lire des biographies, la seule occupation qui lui sied-, elle part illico pour l’Écosse, avec pour charge deux enfants  » pâles, grassouillets et moelleux« . Par-delà la carapace, il y a une drôlerie particulièrement acide dans ces chapitres urgents où un instinct biaisé mais remarquable de vie surnage.

D’Eva Baltasar, éditions Verdier, traduit du catalan par Annie Bats, 128 pages.

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