CINQ ANS APRÈS 2 DAYS IN PARIS, JULIE DELPY RENVERSE LA PERSPECTIVE DU CHOC CULTUREL FRANCO-AMÉRICAIN DANS 2 DAYS IN NEW YORK, SAVOUREUSE COMÉDIE SENTIMENTALE OÙ CHRIS ROCK A AFFAIRE À UNE BELLE-FAMILLE ENVAHISSANTE…

Les comédies sentimentales se doivent-elles d’aller par couple? L’axiome n’est pas dénué d’une certaine logique en tout cas, que Julie Delpy a résolument fait sienne. Après Before Sunrise et Before Sunset, tournés avec Ethan Hawke pour la caméra de Richard Linklater, voilà donc qu’elle a décidé de donner un pendant à son propre 2 Days in Paris. Baptisé non moins limpidement 2 Days in New York, ce dernier en renverse joliment la perspective: alors que l’on avait quitté Delpy/Marion en compagnie d’un Adam Goldberg essuyant de plein fouet le choc culturel le temps d’un séjour dans la Ville Lumière, on la retrouve aujourd’hui dans une situation voisine, attendant, avec Mingus (Chris Rock), son nouveau compagnon, l’arrivée imminente de la (belle-)famille française dans la Grosse Pomme. Et le point de départ d’un film savoureux, où les stéréotypes seront passés à la moulinette d’un humour fréquemment dévastateur…

 » Je me suis dit qu’il y avait encore des choses amusantes à explorer », avance-t-elle, fort à propos, alors qu’on la rencontre en halte promotionnelle bruxelloise. De fait, le terreau comique était particulièrement fertile. Quitte à en remettre une couche au besoin. Ainsi, par exemple, sur le côté franchouillard, qui voit notamment son père (à la ville comme à l’écran), Albert Delpy, débarquer lesté de sauciflards et autres fromages odorants, en ce qu’elle rebaptise, pour le coup, Midnight Express, « mais en version saucisson », ou encore le beauf trimballé par sa s£ur affoler les statistiques de la connerie . En l’occurrence, tout serait plutôt question de perception que de mesure, observe-t-elle cependant: « Les Français n’ont aucun problème avec le film, on en connaît, des gens comme ça: le boulet que ramène sa s£ur, je peux vous en montrer 200. Les Américains, par contre, cela les fait beaucoup rire, mais ils me trouvent un peu dure: ils ont tendance à vouloir garder cette image caricaturale de la France, avec la femme qui est belle, toute gentille, porte du Chanel et ferme sa gueule, et les hommes qui sont un peu chic. » Et d’évoquer, dans la foulée, le Midnight in Paris de Woody Allen, et son dernier plan en forme de fantasme américain de LA femme française.

En accord avec soi-même

Le choc culturel, Julie Delpy connaît: cela fait une vingtaine d’années que sa carrière se déroule, pour l’essentiel, de l’autre côté de l’Atlantique. « Me faire accepter n’a pas été facile du tout, relève-t-elle. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas eu une carrière hollywoodienne énorme. Et je me suis assez vite dirigée vers des films indépendants, cela m’intéressait plus comme processus de travail. Chacun son truc: je n’ai jamais été tellement attirée par la célébrité, ou les choses de cet ordre, j’aime bien faire les choses qui me plaisent. » Comme en écho à cette lettre que lui avait écrite Jean-Luc Godard pendant le tournage de Détective, son premier film, en 1985: « Il m’y dit de ne pas me laisser canaliser, de ne pas faire ce que les gens attendent de moi, et surtout de suivre mon propre chemin. Je ne l’ai pas écouté consciemment, mais c’est la seule façon que j’ai eue de faire ma vie. » Liberté qui a d’ailleurs exigé son prix. « Cela a été un combat, sourit-elle, surtout avec les agents américains, qui sont très business. Quand j’ai commencé à tourner des films plus indé, je les intéressais beaucoup moins. Et quand j’ai commencé à écrire, cela a été encore pire. Je n’avais plus de représentation, et en France, personne ne voulait de moi. J’ai connu des périodes assez difficiles. Après, j’ai eu la chance de pouvoir commencer à écrire, réaliser, et là, la difficulté a disparu. La vie, c’est vraiment être en accord avec soi-même. Quand on est dépendant des autres, à attendre des rôles, c’est insupportable. Quand j’ai commencé à écrire, les choses se sont bien passées pour moi, parce que tout d’un coup, j’ai eu le contrôle de ma vie. C’est très difficile, c’est un enfer, mais au moins, je sais ce que je fais, et quelle direction je prends. » Quelque part entre France et Etats-Unis, en fait: « Je me considère vraiment comme Française au niveau de l’émotionnel, parce que j’ai été élevée en France, mais avec une façon de travailler et d’aborder l’humour très américaine. » Un métissage qui lui a, à l’évidence, fort bien réussi… l

ENTRETIEN JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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