FILS SPIRITUEL DE WILLIAM ONYEABOR, AHMED GALLAB (SINKANE) EST LE CHEF D’ORCHESTRE D’ATOMIC BOMB ET A DONNÉ VIE SUR SCÈNE À LA MUSIQUE DU MYSTÉRIEUX NIGÉRIAN.

Grand, frêle et basané, il a le sourire contagieux et le tempérament affable. Ahmed Gallab est la tête pensante d’Atomic Bomb. La musique de William Onyeabor sans William Onyeabor. Ne criez pas à la supercherie et au cover band: le magicien nigérian n’a jamais interprété ses chansons en public et le projet, exceptionnel, passé par le Pukkelpop il y a quelques semaines, compte dans ses rangs quelques fameux clients. Le Beastie Boy Money Mark, Alexis Taylor d’Hot Chip, Pat Mahoney de LCD Soundsystem, Luke Jenner de The Rapture. Ou encore, à l’occasion, des invités prestigieux comme David Byrne, Damon Albarn ou Kele Okereke…

Ahmed a découvert William Onyeabor il y a une petite dizaine d’années grâce au troisième volet, Love’s The Real Thing, des World Psychedelic Classics. Une compilation dédiée aux musiques psychédéliques d’Afrique de l’Ouest. « A côté de l’Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, des Super Eagles et de Manu Dibango, il y avait cette chanson, Better Change Your Mind, qui transcendait la musique africaine et la rendait plus excitante que ce que j’aurais jamais pu imaginer« , se souvient-il. Son géniteur se met rapidement à l’obséder.

« C’était clairement de la musique africaine mais de la musique africaine qui avait voyagé. Ce qui la rendait particulièrement unique. Personne dans le monde ne fait de la musique comme William Onyeabor. Il incorporait de l’électronique comme on le faisait alors ailleurs sur la planète mais certainement pas au Nigéria. Qu’il possède cet équipement et qu’il enregistre tout ça lui-même, chez lui, dans un bled, est de surcroît complètement dingue. Ce qu’on fait en 2014 en Occident, lui le faisait en Afrique dans les années 70. »

Les recherches -parlons même de fouilles archéologiques- n’ont pas abouti à grand-chose. « De nombreuses légendes courent à son sujet. Je suis content de ne pas connaître ces secrets. Ça le rend d’autant plus spécial. Tout ce dont je suis sûr, c’est que c’est un génie. » Sinkane est ainsi profondément et viscéralement marqué par son travail. Comme le souligne le dernier extrait de son nouvel album, Mean Love, sorti la semaine dernière. « Je suis soudanais d’origine et j’ai toujours voulu faire de la musique qui ne soit pas juste africaine. Omdurman sonne comme celle que tu entends à la radio là-bas, mais j’ai aussi voulu la rafraîchir. Avant que je finisse l’université, je vivais trois mois par an au Soudan. Dès que je perds un peu le fil, je me demande toujours ce que ferait William Onyeabor s’il était à ma place? Comment il rendrait tel ou tel truc intéressant? »

Comme pour souligner que des pans entiers de la musique africaine sont encore à découvrir, Sinkane, qui a grandi aux Etats-Unis avec beaucoup de jazz, de sonorités éthiopiennes, somaliennes, les Beatles, Abba, Phil Collins, les Commodores, le punk et l’indie psychédélique, épingle quelques gloires de son pays méconnues en Occident. Le plus grand: Mohamed Wardi, « aussi patriotique qu’agréable« . Al Balabil, les Supremes soudanaises. « Elles ont rencontré du succès en Europe dans les années 60 et 70 mais ont dû arrêter la musique à cause de pressions politiques. » Ou encore Sharhabeel, considéré comme le père du jazz au Soudan. Africa forever…

J.B.

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