Nuit d’encre

CRÉÉE PAR RICHARD PRICE ET STEVEN ZAILLAN POUR HBO, THE NIGHT OF S’INVITE DANS LES MÉANDRES DU SYSTÈME JUDICIAIRE AMÉRICAIN. MAGISTRAL…

The Night Of

CRÉÉE PAR RICHARD PRICE ET STEVEN ZAILLAN. AVEC JOHN TURTURRO, RIZ AHMED, BILL CAMP. 8X1 H ENVIRON, 3 BLU-RAY. DIST: WARNER.

8

Entre Richard Price, ci-devant auteur de Bloodbrothers et The Wanderers, ainsi que de divers épisodes de The Wire parmi d’autres, et Steven Zaillan, réalisateur estimé doublé du scénariste de Schindler’s List et Moneyball notamment, l’association promettait des étincelles. C’est peu dire que le résultat est à la hauteur des attentes: inspirée de la série britannique Criminal Justice, de Peter Moffat, qu’elle transpose à Manhattan comme pour mieux l’amplifier, The Night Of, la mini-série qu’ils ont créée pour HBO, est un modèle du genre, polar plongeant en huit épisodes d’une même sombre densité dans les méandres du système judiciaire américain.

Tout commence par une soirée d’octobre 2014 lorsque Nasir Khan (Riz Ahmed, lire son interview page 28), étudiant d’origine pakistanaise ayant grandi à Jackson Heights, dans le Queens, « emprunte » le taxi de son père pour une descente à Manhattan. Un trou noir plus loin, et le jeune homme bien sous tous rapports émerge dans le brouillard des lendemains qui déchantent, pour découvrir que la jolie inconnue avec qui il avait passé la nuit a été sauvagement assassinée. Le début du cauchemar pour « Naz », que les circonstances accablent, et sur qui la justice sera prompte à refermer sa nasse. Une machine infernale à laquelle va tenter de le soustraire John Stone (John Turturro), avocat ne payant pas de mine et, de l’avis général, guère à la hauteur de la tâche qu’il s’est assignée…

Quadrillant la topographie new-yorkaise dans des nuances de noir et de gris, le générique de The Night Of en situe limpidement le propos, la série ne se bornant pas à démêler l’affaire criminelle, au demeurant passionnante, mais en explorant également in extenso les nombreuses ramifications, légales comme humaines. Les huit heures et quelques sur lesquelles elle se déploie ne sont certes pas de trop, qui semblent répondre à une logique implacable, aussi affolante qu’inéluctable en apparence. Si l’ensemble fonctionne idéalement, il le doit bien sûr à l’écriture de Richard Price qui ajoute à une efficacité éprouvée une précision millimétrée servie par un sens du détail s’appliquant aussi bien aux situations qu’aux personnages -les démêlés de John Turturro avec un eczéma galopant en apportent une démonstration distanciée. Semblant sortie tout droit des 70’s -on pense au cinéma d’un Sidney Lumet-, la mise en scène de Steven Zaillan renforce ce sentiment de réalisme et d’authenticité, l’impeccable distribution -Turturro, dans un numéro comme il les affectionne, Ahmed, impressionnant, mais aussi Bill Camp ou Michael Kenneth Williams, toujours justes- tenant lieu de cerise sur un gâteau bien amer pour le coup. De fait, ce voyage au bout d’une nuit d’encre laisse inévitablement un goût de cendre…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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