Now or never

À Chicago, Damon Locks retrouve son Black Monument Ensemble Et réussit, malgré la pandémie, à créer une célébration musicale intense.

Le 29 mars dernier, Adam Toledo, treize ans, était abattu par un policier à Chicago. Un drame particulièrement choquant, qui amplifie encore un peu plus le malaise d’une ville où les armes à feu tuent chaque jour: en 2020, 769 morts violentes ont été comptabilisées, un nouveau record en 20 ans… C’est dans cette « ambiance » que Damon Locks s’est lancé dans la réalisation du deuxième album de son Black Monument Ensemble, deux ans après Where Future Unfolds. C’est peu dire que, dans l’intervalle, le futur en question a montré peu de signes d’apaisement. Comment rapporter en musique une société américaine divisée, en proie non seulement à la pandémie mais aussi à des tensions politiques et des mouvements sociaux houleux? Damon Locks répond avec un disque à nouveau éblouissant, mélangeant la tension du jazz et le souffle du gospel, les samples signifiants et les percussions afro. Le tout dans un appel à investir le moment présent ( Now), et à y planter les graines du changement.

Now or never

Côté jardin

Le parcours de Damon Locks n’a rien d’orthodoxe -de ses premiers projets punk-hardcore (Trenchmouth) à ses envies reggae-jazz (The Eternals), en passant par ses travaux visuels et ses collages sonores. Activiste enseignant dans les écoles publiques de Chicago ou à la prison de haute sécurité de Stateville, il a trouvé avec le Black Monument Ensemble -collectif à géométrie variable comprenant des musiciens, des chanteurs et des danseurs âgés entre 9 et 52 ans- son véhicule musical idéal. Ou en tout cas celui qui résume sans doute le mieux sa recherche d’une musique à la fois puissante et enveloppante, politique et spirituelle.

Avec le virus, il a fallu cependant ruser.  » Quand le simple fait de respirer devient dangereux, comment faire pour enregistrer une demi-douzaine de personnes en train de chanter en choeur?« , raconte Locks dans un entretien au New York Times. Fin de l’été dernier, le musicien a donc rappelé son groupe habituel -la chanteuse-clarinettiste Angel Bat Dawid, le trompettiste Ben LaMar Gay, le batteur Dana Hall et le percussionniste Arif Smith- et un choeur de six chanteurs -Phillip Armstrong, Monique Golding, Tramaine Parker, Richie Parks, Erica Rene et Eric Tre’von. Il a toutefois divisé les enregistrements en deux sessions. D’un côté, la partie plus électronique et rythmique, jouée à l’intérieur. De l’autre, les voix et les cuivres captés en extérieur, dans le jardin de l’Experimental Sound Studio de Chicago, enregistrés en quelques prises à peine, et accompagnés en direct par le chant des grillons. Ce qui donne un disque court (une demi-heure tout juste), mais dont chaque seconde est pleinement investie, où chaque note est chargée d’une énergie intense, débordante. Le sort de la communauté afro-américaine est évidemment au centre du propos. Mais avec l’envie de dépasser la colère pour essayer de retrouver un peu d’espoir. Revigorant, Now célèbre l’intelligence et l’émotion collectives. Dans un moment où il est demandé de continuer à garder ses distances, il n’en est que plus salutaire.

Damon Locks – Black Monument Ensemble

« Now »

Distribué par International Anthem.

8

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