Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

FORT D’UN ROCK PARFOIS SPRINGSTEENIEN, JOSEPH ARTHUR FICTIONNALISE SON PROPRE PERSONNAGE DANS DES MÉANDRES MYSTIQUES. ÇA VALAIT BIEN UNE PETITE LETTRE…

Joseph Arthur

Double CD « The Ballad Of Boogie Christ »

DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE.

8

Curieux parcours, Joseph: en étant signé comme premier artiste nord-américain sur le label de Peter Gabriel au mitan des années 90, tu penses glisser dans une carrière naturellement mondiale. Malgré l’insularité de tes chansons -« ses mots ouvrent la cage » dit Gabriel-, ton talent flagrant d’auteur-compositeur, le destin t’envoie voguer de compagnies de disques en déceptions commerciales. Tu aurais pu devenir un Springsteen version bio -moins de muscles mais autant de nervures-, tu louvoies dans des sphères de reconnaissance plus underground. Pourtant, tu délivres des albums communément scintillants, et même davantage, avec The Graduation Ceremony, paru au printemps 2011. Un chef-d’oeuvre où, en roue libre, tu sembles embrasser le sommet du monde.

Rédemption certifiée

Après un album uniquement disponible en digital et en vinyle paru l’année dernière, sur lequel tu joues de tous les instruments (Redemption City), te voilà de retour chez Real World et Gabriel pour un double album qui, en toute franchise, nous impressionne beaucoup, Joseph. Les histoires que tu y racontes ont la fibre biographique mais télescopées par les aléas de la fiction: le concept de ta vie y est sublimé, détourné et réécrit en personnage christique, fantasme que l’auditeur se chargera d’interpréter à sa guise. Sachant qu’au final, les espoirs brisés se métamorphosent en rédemption certifiée par la musique. Ce double CD de 24 titres a tout du fleuve bouillonnant aux ressources volumineuses qui convergent en flux tendu et jouissif. Le plaisir avoué, parfois bridé sur certains de tes disques, est livré ici sans contrainte ni entrave: l’orgue gras de chez Garth Hudson (The Band) dessine une coulée continue, réceptacle de choeurs soul et de cuivres gourmands, menés par ta propre voix, toujours en éraillement émotionnel idéal. Y compris quand tu évoques Dylan (Maybe Yes). Le premier des deux disques est le plus impressionnant: chaque chanson se grave directement dans le cortex et les moments merveilleux (I Used To Know How To Walk On Water, I Miss The Zoo, King Of Cleveland… )bâtissent un crescendo électrique jusqu’à la plage finale, All The Old Heroes, qui vaut bien l’autre chanson « héroïque » -tu sais celle de Bowie. Il faut un peu plus de temps pour se glisser dans le second disque, mais Holding The Void, Akron Skies et les dix autres ont fini par se fondre dans notre ADN régalé. Sans tout à fait être Jésus, t’es quand même un sacré mec, Joseph.

EN CONCERT LE 8 OCTOBRE À L’ANCIENNE BELGIQUE.

PHILIPPE CORNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content