Un sujet sur les guitares fétiches, un autre sur les jeunes pousses musicales qui ont l’oreille collée au rétroviseur soul ou blues, de Alabama Shakes à Willis Earl Beal… La rétromania a encore frappé cette semaine dans Focus. Rien de grave, le sirop de la nostalgie a parfois bon goût. Mais pour le grand soir, pour le renouveau charismatique qui va tous nous transporter dans l’au-delà artistique, on repassera… A croire que l’avant-garde a buggé lors du passage à l’an 2000. Depuis, on recycle, on rumine, on ressasse, on réédite, souvent aussi on assassine le passé mais on n’invente plus rien de neuf. Une odeur de naphtaline plane du coup sur le présent. La faute à qui? A quoi? A la fin de la Guerre froide, répondait déjà en 1992 Fukuyama dans La fin de l’histoire, essai dans lequel le politologue japonais pronostiquait la victoire de la démocratie et du libéralisme sur les autres idéologies par KO technique. Au néo-libéralisme sauvage sans foi ni loi qui transforme les individus en pièces de rechange du marché, rétorquent les syndicats. Au déclin de la civilisation occidentale, qui se brûle les ailes à la flamme de ses désirs compulsifs, renchériront les mollahs. Les esprits seraient comme égarés dans cette époque labyrinthique. Pour autant, on ne peut pas parler de panne d’imagination quand on voit ce qui se trame sur les écrans ou sur les scènes. Partout, ça fuse, ça grésille, ça vibre. Le muscle de la créativité bande encore. Mais ses fibres ont perdu de leur élasticité. Il peine à apprendre de nouveaux gestes. En d’autres mots, il plafonne. Comme les instruments du reste. Car c’est peut-être pour ça au fond que l’embrayage artistique patine: après un siècle de bons et loyaux services, les véhicules de la musique moderne ont épuisé leurs ressources. Quand on regarde en arrière, à l’échelle des siècles, on voit bien que les grands courants musicaux ont écrit leur partition sur des instruments de prédilection. Au classique, le violon, le piano ou encore les cuivres. Au rock et ses dérivés, la guitare, la batterie et le synthé. On peut bien sûr varier les ingrédients mais on ne change pas fondamentalement la formule ADN. Après avoir épuisé toutes les combinaisons, du jazz au punk, la génétique musicale aurait atteint ses limites. Autrement dit, toutes les zones vierges de la carte auraient été explorées. D’où cette impression permanente de déjà-entendu. De même que si on achète une garde-robe en kit chez le géant suédois, on pourra peut-être la transformer en table de salon ou en commode mais jamais en frigo. Pour conquérir d’autres espaces acoustiques, il faudra donc sans doute un jour songer à immoler sa gratte pour d’autres montures. C’est le prix à payer pour convoyer sous une forme vraiment originale les émotions complexes qui nous habitent en ces temps troublés. Vu comme ça, l’avenir paraît presque radieux…

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PAR LAURENT RAPHAËL

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