Noir, jaune, jeu!
Entre abstraction totale, horreur VHS, devoir de mémoire…, les Belgian Game Awards fêtaient une créativité belge insoupçonnée. Attention, cartons en vue.
Cerner l’âme du jeu vidéo belge est un exercice périlleux. Notre héritage BD influence la direction artistique de Guns, Gore & Cannoli et l’ADN des talents derrière Domiverse. Au-delà du second degré assumé de Flotsam, le très prometteur Almost Gone tisse, lui, un lien inédit avec les écrits de Joost Vandecasteele, écrivain et homme de théâtre applaudi au nord du pays. La dernière édition des Belgian Game Awards (BGA) ajoutait une nuance à notre paysage ludique: une singularité à tout crin qui se démarque furieusement des blockbusters de consommation courante.
La première édition des Belgian Game Awards, il y a quatre ans, peinait à trouver des nominés valables. Aujourd’hui, le cru 2020 déborde de projets fantastiques. Certes, aucun des sept membres du jury ayant hissé les douze lauréats de ces Magritte du jeu vidéo n’était issu de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La catégorie Serious Game de la compétition mélangeaient en outre, à tort, des démarches éducatives et des art games. Pas de quoi toutefois bouder ce feu d’artifice créatif notamment mis en musique par Screen.Brussels, la Flega (Flemish Games Association) et la Walga (Wallonia Games Association).
Remarqué par Le Monde voici deux ans, Bart Bonte mettait ainsi le feu aux poudres du Meilleur jeu mobile de l’année avec Blue. Ce trip voguant sur une BO instrumentale entre trip hop et jazz (dont Bonte est l’auteur) se dénoue comme un puzzle-game où l’on déplace d’élégantes formes géométriques. Indispensable pour comprendre comment le jeu vidéo est désormais capable d’abstraction, Blue quittait le plancher de l’hyperréalisme aux côtés de 30 Birds de Ramram. Ce « jeu le plus attendu de l’année » plonge en effet dans des miniatures perses imaginaires se jouant d’illusions d’optique entre 2D et 3D.
Drôles d’oiseaux
Démarré comme un projet d’installation artistique d’exposition, 30 Birds a fait l’objet d’un travail de documentation aussi admirable que Brukel. Ce dernier, grand gagnant des BGA (trois prix), explore le destin tragique d’une maisonnée flamande pendant la Seconde Guerre mondiale, à force d’interviews audio de la grand-mère de son cocréateur. Loin de l’hyper réalisme de ce devoir de mémoire, Nanotale -Typing Chronicles des Montois de Fishing Cactus- décrochait enfin le trophée du jeu console et PC de l’année. Soit un typing game demandant de taper des séries de mots au clavier pour lancer et parfois combiner des sortilèges au fil d’un monde fantasy florissant.
Cumulant des millions de vues de Let’s Play sur YouTube (y compris au Japon et en Corée!), No Players Online était couronné du prix du meilleur jeu étudiant de l’année. Adam Pype et Viktor Kraus y déclarent leur amour des jeux en ligne des années 2000 sur fond de 3D imparfaite entre PlayStation 1 et grain VHS. On y explore ainsi l’arène d’un FPS dont les serveurs toujours en ligne sont désertés de toute âme. Mais gare aux faux-semblants. Car cette expérience hantée a priori courte se déballe en effet comme un jeu en réalité alternée (ARG). Message caché dans le trailer, vrai numéro de téléphone, lien web obscur, second jeu subliminal… Ce jeu de piste grandeur nature fascine. Un trompe-l’oeil qui n’aurait pas déplu à Magritte.
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