Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Nessbeal en tête – Connu jusqu’ici pour sa plume sombre et acide, le rappeur français revient avec un 3e album plus solaire qu’à l’accoutumée. Et ça lui va bien…

« Ne2s »

Distribué par Sony.

Il faut parfois descendre jusqu’au fond du fond pour pouvoir se relancer. Après 2 albums, qui sans cartonner avaient recueilli de beaux succès d’estime, Nessbeal s’était récemment vu rendre son contrat par sa maison de disque. Le début d’une traversée du désert. « Cela arrive à tout le monde. Après, chacun le traverse comme il peut. Certains en buggy avec une assistance, d’autres en chameaux, certains en claquette, d’autres y resteront toute leur vie… Moi? En claquettes! Mais j’ai de la chance, je viens du Maroc, de Zagora. Je suis un mec du désert, j’ai des réserves dans le dos, comme les dromadaires. »

Aujourd’hui, Nessbeal (Nabil Selhy, 1978) repointe le bout du nez. Surprise: du trou noir, il en est ressorti avec son disque le plus… lumineux. Un joli paradoxe pour celui qui s’était fait surtout connaître pour ses ambiances sombres (l’emblématique Amnezia). « On a essayé de faire un disque de rap mature, qui peut toucher tout le monde: aussi bien une personne de 40 qu’un ado de 16. » Une première? « Non, mais auparavant je le faisais d’une manière différente. Ma plume était plus sombre. C’était plus de l’encre qui sortait, c’était du sang. J’écrivais mes albums dans mon quartier aussi. Je ne sortais pas de mon contexte, de mon environnement oppressant: Paris, les problèmes, les soucis… Pour ce disque, je me suis isolé. » Destination Caen, chez son producteur Skread. Là, pendant un mois et demi, il va poser les bases du nouveau disque. Il y pond notamment A chaque jour suffit sa peine. Clippé par Nabil Ben Yadir, le réalisateur des Barons, le titre est devenu un hit, peut-être le premier de Nessbeal à dépasser le cercle des convaincus.

Electron libre

Avec Ne2s, Nessbeal alterne les petits plaisirs: egotrip en bonne et due forme ( Certifié classique), délires joyeusement fumeux ( After), échappées pop ( Au bout de la route), gaudriole ( Ma grosse), sans non plus lâcher les raps plus existentialistes ( Balles dans le pied). Le tout avec le même flow à la fois tranchant et chuintant. « J’assume tout, de A à Z. Quand je fais Papa instable , par exemple, c’est ce que je vis. Le morceau est né après une nuit en studio. Je rentre au moment où les gamins se lèvent. Au lieu d’aller dormir, je les conduis à l’école, avec le prof qui me voit débarquer, les yeux explosés. Une vraie chauve-souris. » Nessbeal arrive ainsi à élargir le spectre, ouvrir un peu les fenêtres tout en restant lui-même. Un exercice d’équilibriste plutôt réussi, qui confirme sa place toute particulière dans le paysage du rap français. « Je suis un électron libre, une cellule autonome », insiste le rappeur. Ne2s en est la preuve.

En concert à Dour, le 18/07.

Laurent Hoebrechts

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