Naïf mais pas trop
L’échassier de Pikuniku part en guerre contre le capitalisme. Une satire sociale parée de mille couleurs, pour mieux faire passer la pilule.
» De l’argent gratuit! » Scandée dans une pub bubble-gum, la promesse de Mr. Sunshine est trop belle pour être vraie. » Vous êtes formidables! » Les desseins noirs de ce bipède rose se trahissent dès qu’il précise que les candidats au pactole doivent juste laisser des robots volants les débarrasser de ce qui » les encombre« . De ses premières minutes à sa conclusion, la délicieuse dystopie de Pikuniku ne souffre par contre d’aucune clause abusive. Arnaud De Bock, son créateur, y déballe ainsi un jeu entre plateforme et narration emmenant les Barbapapa et Madame Monsieur vers une révolte anti capitaliste.
On avait quitté Reigns, le dernier jeu indé d’Arnaud De Bock avec le sourire aux lèvres. Détournant les ressorts de Tinder, ce jeu décortiquait la complexité du métier de roi au Moyen Âge. Le game designer basé à Londres déploie cette fois une satire sociale et une histoire de révolution dans un monde enfantin, proche de Noby Noby Boy et de LocoRoco. Comme ce dernier, Pikuniku mise en effet sur une épure graphique enluminée par des lois de la physique étranges et fascinantes.
Dans la peau de Piku, le gamer y progresse ainsi au fil d’une gravité allégée. L’échassier étrange privé de bras donne des coups de pieds (stylés) des deux côtés de l’écran et cale des 360 degrés à chaque saut. Ce lointain cousin du héros de Cool Spot rétracte également ses membres inférieurs pour mieux dévaler des pentes. D’une simple balade à un tournoi de basket tout en coups de pieds, Pikuniku multiplie les joyeuses chorégraphies. Son apparente naïveté cache toutefois une double lecture. Les kids et les parents l’adopteront.
Travailler plus, gagner moins
L’exploitation des ressources naturelles au profit de l’industrialisation lamine le thème de Pikuniku. Mais De Bock y ajoute des rencontres, pour ouvrir autant de parenthèses satiriques sur notre monde occidental. Le créateur y effleure ainsi la futilité de la mode et la bêtise du merchandising. Mieux, il s’amuse de l’inspiration tarie d’un prétendu artiste peintre. Terriblement contemporaine lorsqu’il parle de ne » pas payer des employés pour leur donner de la visibilité et remplir leur CV« , la délicieuse dystopie truffe ses plaines, ses forêts et ses caves d’habitants et d’antagonistes attachants.
Ponctué d’une poignée de clins d’oeil à Super Mario World, Pikuniku se pratique comme un jeu de plateforme classique vu de profil. On y lance un lasso pour se suspendre de crochet en crochet et on y traverse des grottes infestées de biscottes tueuses protégeant un toast démoniaque géant. Cachant mille surprises, le titre déballe également des phases d’arcade dont une poursuite en pédalo, sur un lac de lave. Des petites quêtes demandent en outre de retrouver des objets perdus dans des tableaux acidulés. Une poignée de puzzle games tapissés de pièces à pivoter et de ballons à déplacer entrent également en scène. Trop court et trop facile, Pikuniku remporte pourtant haut la main un triple pari: celui de ne jamais ennuyer le gamer tout en le faisant sourire et réfléchir.
Pikuniku
Édité par Devolver et développé par Sectordub, âge: 3+, disponible sur PC et Nintendo Switch.
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