PLATEFORME MUSICALE DE RÉFÉRENCE À LA MOITIÉ DES ANNÉES 2000, MYSPACE EST AUJOURD’HUI À L’AGONIE. DÉCRYPTAGE.

Ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, MySpace accusait le coup, son audience s’effritant petit à petit. Aujourd’hui, c’est désormais officiel: l’enseigne MySpace est à vendre. La nouvelle version du site lancée à l’automne dernier n’aura donc pas suffi à enrayer son déclin. Début de l’année, près de la moitié du personnel a d’ailleurs été licencié. Depuis, Rupert Murdoch a officiellement enclenché les consultations pour désigner un éventuel repreneur. Prix de vente annoncé: 100 millions de dollars. Six ans plus tôt, le magnat australien, pas franchement habitué à jeter ses sous par la fenêtre, en avait sorti… 580 pour mettre la main sur la plateforme musicale. On était alors en 2005 et MySpace ressemblait encore à la poule aux £ufs d’or.

Vitrine

Flashback. A la moitié des années 2000, MySpace est « the place to be » pour les musiciens. Alors que l’industrie musicale se plante, la plateforme se présente comme un inépuisable creuset de talents. C’est l’utopie 2.0: tous égaux devant le music biz. Que l’on soit signé sur une major ou que l’on ait produit une demi-démo dans sa cuisine, peu importe. Tout le monde se retrouve coincé dans le même carcan graphique.

Très vite les maisons de disque iront puiser dans MySpace un nouveau soupçon d’authenticité. Un Net credibility, indispensable pour convaincre le public biberonné au World Wide Web. Auréolés de cette nouvelle caution, des noms émergent, comme Lily Allen ou les Artic Monkeys. En France, Yelle fait partie de ces artistes qui ont su profiter pleinement des nouvelles potentialités du Net.  » Avant même de sortir notre album, il y a déjà eu cette vie un peu autonome sur MySpace. Un peu déroutante d’ailleurs, dans la mesure où la notoriété est partie de nulle part, une sorte de bouche à oreille en ligne. Mais cela nous a pas mal aidés. A un moment, les DJ ont commencé à jouer Je veux te voir et tout s’est accéléré. On a très vite reçu des messages d’un peu partout. Des potes qui étaient dans un club à Hong Kong et qui entendaient notre musique. On hallucinait complètement! »

La plateforme musicale a aidé Yelle à se faire connaître. Mais le duo ne s’est pas limité à l’utiliser comme simple vitrine promo. Dès le départ, il a également exploité l’interactivité du site.  » C’était les 1ers moments où vous pouviez rentrer en contact directement avec un musicien. Nous, on le faisait, on a envoyé des messages à des artistes qu’on aimait bien. » Des exemples? Grandmarnier: « Il me semble avoir contacté Pharrell Williams… Lily Allen aussi. Elle avait posté un morceau, je ne sais plus lequel. Je lui expliquais que, pour moi, c’était un gros tube, et que si elle était intéressée, on pouvait peut-être collaborer. Quatre mois plus tard, son album sortait…  »

Dommages collatéraux

Aujourd’hui, on n’en est plus là. Révolutionnaire à ses débuts, MySpace a été complètement dépassé par les événements. Selon les derniers chiffres, le site est passé de 70 millions de visiteurs uniques en janvier 2010 à 45 millions un an plus tard. En 2006, MySpace comptait encore 100 millions de membres… Yelle: « Notre MySpace fonctionne toujours, mais c’est un peu le bordel. »

Les causes de la désertion sont multiples. L’interface graphique, égalitaire au début, est devenue surtout extrêmement rigide et souvent lourde à charger. Le site a également été victime de son succès. S’il a largement popularisé la notion « d’ami », il a aussi été le premier à en subir les dommages collatéraux, gardant tous les profils ouverts à tous. Yelle, toujours: « Les messages, c’est quand même devenu 99 % de spam. »

Surtout, MySpace n’a pas su contrer la concurrence de plus en plus sauvage des autres réseaux sociaux. Dès avril 2008, l’audience de la plateforme musicale était dépassée par celle de Facebook. Entre-temps, le site de microblogging Twitter est venu encore compliquer la donne, pendant que YouTube se positionnait comme nouveau robinet à clips. De lieu incontournable (au point de constituer un temps le 4e site le plus visité au monde), MySpace est désormais en route pour la morgue numérique. Huit ans à peine après son lancement…

TEXTE LAURENT HOEBRECHTS

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