APRÈS LES EXCÈS ET LE GROS COUP DE MOU, LE NÉO-ZÉLANDAIS RUBAN NIELSON REVIENT AVEC II, SECOND ALBUM DE SON UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA. DISQUE VINTAGE MARQUÉ AU FER ROUGE PAR SLY STONE, LES BEATLES, LOVE, ZAPPA ET BEEFHEART.

« Isolation can put a gun in your hand. » « L’isolement peut te mettre un flingue entre les mains. » Rarement la première phrase d’un disque aura autant interpellé que ces quelques mots en ouverture du deuxième Unknown Mortal Orchestra.

« Il ne s’agit aucunement d’une provocation. C’est une remarque très réaliste. Et en même temps bienveillante, assure Ruban Nielson. Quand mes potes ont des problèmes, je suis le premier à qui ils viennent parler. Ce dont je suis assez fier. Je suis toujours plein d’empathie par rapport à la dépression et ce genre de trucs. Ils me racontent pendant deux heures tous leurs ennuis et je les réconforte. C’est ce que je veux de ma musique. Qu’elle permette aux gens de s’échapper. De se cacher. Et en même temps de se rassembler. Je vis aux Etats-Unis. Souvent, la pop parle d’avoir du fric, de la bagnole que tu conduis. Tous ces bazars qui te font glisser sur la mauvaise pente. Celle de notre monde moderne…  »

Jack White, la salvia et la CIA

Ruban Nielson a déménagé à Portland il y a cinq ans maintenant. Sa mère, citoyenne américaine originaire d’Hawaii, est danseuse de Hula. Son père, musicien de jazz, vient de Nouvelle-Zélande, le pays où Ruban a grandi. « Ils se sont rencontrés en tournée« , glisse-t-il en évoquant Miles Davis, John Coltrane, Herbie Hancock et les musiques hawaïennes qui ont bercé son enfance.

« J’écoutais beaucoup de hip hop à l’adolescence. Le Wu-Tang Clan, NAS, Notorious B.I.G… Et en même temps, j’évoluais dans un groupe de rock. A côté de ses disques de jazz, mon père avait du Zappa, du Captain Beefheart, les Who, Hendrix… Dès que je les ai entendus, ils m’ont parlé. Le rap utilisait beaucoup de samples. Ce son, je l’avais toujours entendu. Mais je le découvrais en version originale. C’était comme aller chercher de l’eau à la source. Idem avec le punk. T’écoutes les Buzzcocks et tu découvres les Kinks. Les sixties et les seventies étaient fabuleuses. C’était un autre temps où l’enregistrement, l’expérimentation, le songwriting culminaient à leur plus haut niveau.  » La musique d’Unknown Mortal Orchestra fait aussi penser à Love, aux Beatles, à Sly Stone et autres Soft Machine. « J’associais les sixties au flower power, aux hippies, à la paix, à l’amour… Mais le Velvet, Love étaient sombres. Bien plus sombres et sérieux que les punks. Les Misfits se déguisaient, se maquillaient, chantaient au sujet de films d’horreur mais ils n’étaient pas aussi obscurs que Love. Certains affirment que Love aurait dû s’appeler Hate tant Arthur Lee était tourmenté. Des mecs comme lui et Syd Barrett m’excitent. Ils me donnent envie d’écrire des chansons. »

The Flying Nun Records, label do it yourself orienté garage punk, The Clean, The Chills, The Gordons, Toy Love… Ruban Nielson chérit sa Nouvelle-Zélande. Il y a joué en première partie des Black Lips, de TV on the radio et des White Stripes… « J’étais très jeune quand mon groupe punk a ouvert pour Jack White mais je me souviens d’une chose qu’il a dite: It’s nice to be important but it’s more important to be nice. C’est l’un de mes héros. » Ruban a laissé tomber les Mint Chicks, le groupe qu’il partageait avec son frangin pour foutre le camp du pays. En Nouvelle-Zélande, il gagnait sa vie avec la musique et pratiquait les arts visuels comme hobby. « Je voulais inverser la tendance à Portland. Mais en mettant mes chansons en ligne, j’ai commencé à faire l’objet de pas mal d’attention. Des labels m’ont contacté. J’ai monté un groupe. Je suis parti en tournée. Tout a été très vite. »

Très vite et un peu trop fort. Ruban a craint pour sa santé. « Mon bassiste Jake et moi, on disait oui à tout. On fonçait pour le moindre concert. On prenait la route. Puis aussi les drogues qu’on nous mettait sous le nez. Après un mois, on avait la peau sur les os. Pensait à des choses bizarres. On n’écrivait pas de mauvaises chansons mais elles étaient très sombres. »

Début 2012, il rentre à Portland, retrouve ses esprits et se met à enregistrer son deuxième album. « Je côtoyais essentiellement de nouveaux potes et je ne savais pas vraiment qui étaient mes réels amis. Quoi faire, ni où j’en étais. Je me suis dit que ça ferait un bon sujet de disque. »

Ruban évoque la puissante simplicité de Neil Young, l’humour de Morrissey, les paroles de John Lennon, de Silver Jews, de Smog… Il s’intéresse aux surréalistes et au psychédélisme. « J’adore Moebius. » Et voit plus la drogue comme un outil d’apprentissage qu’un moyen de divertissement. Il enregistre sous herbe. « Je la mange. » Mais jamais sous champi. « Les drogues ouvrent d’autres niveaux de conscience. Beaucoup de sons que j’aime dans la musique, je me suis senti capable de les recréer une fois sous acide, et mon premier album a été influencé par la salvia. Franchement, la CIA devrait créer une nouvelle substance qui ouvre l’esprit des gens pour les rendre plus créatifs et empathiques. Ce serait au moins susceptible de nous faire avancer… « 

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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