More drama

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après son escapade anglaise, la diva soul américaine Mary J Blige revient aux fondamentaux, creusant une nouvelle fois le chaos amoureux. Pain & glory

Mary J Blige

« Strength of a Woman »

DISTRIBUÉ PAR CAPITOL.

7

Après 25 ans de carrière, et une bonne douzaine d’albums, Mary J Blige n’a plus grand-chose à prouver. Pionnière du mélange soul hip-hop dans les années 90, indiquant le chemin vers la neosoul, tout en enquillant les tubes, voire les classiques (Family Affair), elle a tracé un boulevard pour les Beyoncé, Alicia Keys, et autre Frank Ocean, etc. Avec le temps, son étoile aurait pu perdre de son éclat. Le fait est que Mary J Blige appartient à ces voix familières dont on ne se lasse pas. Autant l’écrire tout de suite: foncièrement, il n’y a pas grand-chose de neuf à attendre de son nouveau disque, le treizième, intitulé Strength of a Woman. Aucune révolution de palais n’est au programme. Dès l’intro de Love Yourself (avec Kanye West), Mary J Blige réussit pourtant à capter l’attention et ranimer la flamme. Sur fond de piano mélodramatique, elle ouvre les vannes gospel, avec l’autorité de celle qui sait qu’elle ne doit pas multiplier les effets pour viser juste. En termes de frissons soul, c’est à peu près irrésistible.

En 2014, l’album London Sessions avait davantage cherché à bouger les lignes. Enregistré en grande partie avec l’aide de la jeune garde anglaise (du duo house Disclosure à Emeli Sandé), le disque avait montré que la diva soul pouvait s’aventurer sur des formats plus inhabituels. Or la voilà aujourd’hui qui revient en terrain connu. Parce que ces « sessions londoniennes » ont été un peu moins bien accueillies que d’habitude? Probable. Un autre élément n’est toutefois pas à négliger. Dans la grande « tradition » des chanteuses cabossées (de Billie Holiday à Tina Turner), le personnage de Mary J Blige s’est longtemps construit à travers l’évocation de ses dépendances et de ses déboires amoureux. Avec le temps, la chanteuse avait heureusement pu trouver une certaine sérénité. Jusqu’en juillet dernier, où elle annonçait se séparer de son manager avec qui elle était mariée depuis treize ans. Retour à la case drama…

Queen Mary

La blessure ne fait pas nécessairement le (bon) disque. On retrouve néanmoins dans Strength of a Woman une volonté d’en découdre, une défiance même, qui lui donnent une intensité particulière. Mieux que n’importe qui d’autre, Mary J Blige sait comment chanter la douleur amoureuse et, quand elle monte aux barricades, la moindre platitude devient un slogan triomphaliste. Sa musique lui ressemble: à la fois intemporelle et moderne, où même quand elle cède à l’air du temps (Glow Up avec Quavo, Dj Khaled et Missy Elliott), elle garde l’emprise sur le morceau. Plus loin, Telling the Truth est produit par le Canadien Kaytranada et ses compatriotes jazzeux de BadBadNotGood. Mais c’est encore et toujours la chanteuse qui tient les rênes de l’un des moments les plus réussis de l’album. Certes, Strength of a Woman n’est pas exempt de l’un ou l’autre moments plus creux (l’inutile parenthèse disco-house de Find My Love). Sans que cela n’empêche Queen Mary d’ajouter, l’air de rien, un nouveau petit joyau à sa couronne.

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content